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Contenu généré par IA : propriété et protection

Article
Katrien Meuwis
Benoit Olbrechts

L’intelligence artificielle (IA) générative est en train de révolutionner le secteur des technologies. Les grands modèles de langage (LLM) comme OpenAI de ChatGPT l’ont rendue accessible à presque tout le monde. 

Pour les entreprises spécialisées dans les technologies, l’IA générative offre des opportunités d’innovation sans précédent en créant du contenu, des concepts et des solutions de manière autonome. Il est ainsi plus facile et plus rentable de développer des produits et des services qui nécessitaient auparavant un travail humain et créatif considérable. À qui appartient le contenu généré par l’IA ? Comment protéger ces droits de propriété ? Comme souvent, c’est une question de préparation et de contrats bien pensés.

 

Qu’est-ce que l’IA générative ?

L’IA générative est un type d’IA capable de créer du nouveau contenu à partir de différentes sources : texte, images, audio, vidéo, code logiciel, etc. L’écosystème de l’IA générative est composé de trois groupes principaux : les développeurs de LLM, les développeurs d’outils et les utilisateurs. Les développeurs de LLM, comme OpenAI, créent les modèles initiaux et collectent des données pour les entraîner. Les développeurs d’outils d’IA générative, quant à eux, créent des applications qui étendent les capacités de ces modèles. Enfin, les utilisateurs, qu’il s’agisse d’étudiants ou de professionnels, utilisent ces modèles pour obtenir des informations, créer du contenu et effectuer des tâches.  

Lorsque de nouveaux contenus sont créés à partir de contenus existants, la question de la propriété intellectuelle se pose. Cela vaut particulièrement pour les données utilisées en vue d’entraîner les modèles et le contenu qu’ils produisent. Il est essentiel de comprendre ces questions pour protéger les innovations, garantir leur conformité juridique et maintenir un avantage concurrentiel dans le paysage technologique d’aujourd’hui.
 

Protection et confidentialité des données

Les modèles et outils d’IA générative s’appuient sur de grands ensembles de données, qui peuvent inclure des documents soumis au droit d’auteur ou des données personnelles. Les entreprises doivent donc s’assurer qu’ils sont fiables.  

On peut distinguer trois types d’ensembles de données :

  • Données d’entraînement : les données utilisées pour entraîner ou affiner le modèle ou l’outil d’IA générative en l’aidant à apprendre et à générer des résultats.  
  • Données d’entrée saisies par l’utilisateur : l’utilisateur fournit du contenu sous diverses formes, notamment des invites, des images, des textes, des vidéos, du code, etc.
  • Données de sortie générées : les données produites par l’outil d’IA générative en fonction des données saisies par l’utilisateur, que l’utilisateur peut ensuite utiliser à diverses fins.


Attention : votre outil d’IA peut ne pas considérer vos données privées comme telles

Tous les acteurs de l’écosystème doivent être conscients de la manière dont les données et les ensembles de données sont utilisés. Lorsque les utilisateurs saisissent des données confidentielles dans les systèmes d’IA générative, ces systèmes peuvent réutiliser ces données dans des interactions ultérieures. Les données d’entrée ou de sortie peuvent s’échapper du cadre du système d’IA, au risque d’exposer publiquement des informations confidentielles. C’est ce qui est arrivé à Samsung début 2024, après qu’un ingénieur a chargé du code sensible dans ChatGPT et exposé ces informations involontairement. Dans ce contexte, il convient donc d’appliquer les quatre conseils suivants : 

  1. Il est crucial de choisir des systèmes d’IA générative qui vous indiquent si les données d’entrée ou de sortie seront utilisées à des fins d’entraînement ultérieur. Certaines versions d’outils d’IA générative n’utilisent pas les saisies de l’utilisateur ni les sorties générées à des fins d’entraînement.   
  2. 2.    Les développeurs d’outils d’IA générative doivent également vérifier que les données utilisées par leur modèle sont dûment autorisées afin d’éviter d’éventuelles réclamations pour violation du droit d’auteur de la part de tiers. À cet effet, certaines entreprises offrent une protection aux développeurs d’outils s’agissant des réclamations pour violation du droit d’auteur découlant de l’utilisation de leurs modèles. 
    Par ailleurs, et même si le risque est plus faible, il est aussi conseillé aux utilisateurs finaux d’examiner ces clauses de protection.  

Les clauses concernant les droits de propriété, les licences, les garanties et les modalités d’indemnisation figurent dans les accords sur les niveaux de service ou les conditions d’utilisation de l’outil d’IA générative. 

  1. En outre, l’outil doit s’appuyer sur des ensembles de données impartiaux et de haute qualité pour obtenir des résultats fiables et précis.
  2. Il est vital que les développeurs de modèles et d’outils d’IA générative fassent preuve de transparence en ce qui concerne les ensembles de données qu’ils utilisent, afin d’inspirer confiance chez les utilisateurs et de respecter les réglementations en vigueur (ex. : règlement européen sur l’IA, lois sur la confidentialité des données). De nombreux ensembles de données contiennent des données personnelles ; ils doivent donc être conformes au règlement général sur la protection des données (RGPD).
  3. Il est également essentiel d’évaluer les protocoles de sécurité du système d’IA générative pour prévenir les violations de données et les accès non autorisés.

 

Propriété des résultats et protection des DPI

La propriété des créations générées par l’IA est en grande partie déterminée par les conditions générales de l’outil d’IA générative. Par ailleurs, la protection des œuvres créatives, des inventions et des concepts générés par l’IA présente des enjeux uniques. 

Protection par le droit d’auteur

Les lois sur le droit d’auteur exigent généralement une paternité humaine, ce qui signifie que les créations générées exclusivement par l’IA ne sont pas protégées par le droit d’auteur. Cependant, les créations assistées par l’IA peuvent être protégées si le facteur humain a clairement joué un rôle.  

Prenons l’exemple d’un auteur qui utilise un outil d’IA pour l’aider à écrire un roman en saisissant des invites détaillées, en sélectionnant et en affinant le texte généré par l’IA, puis en appliquant son style unique et sa créativité à l’œuvre. Dans ce cas, l’œuvre peut être protégée par le droit d’auteur dans le cadre de la réglementation en vigueur dans l’UE. 

Il est important de créditer les contributeurs humains et de tenir des registres détaillés de toutes les étapes de création de l’œuvre afin de prouver sa paternité. Sans protection par le droit d’auteur, il peut s’avérer difficile de faire respecter les droits de propriété intellectuelle, même si vous êtes propriétaire de l’œuvre.

Protection par brevet

Il est possible de breveter des inventions qui incluent des fonctionnalités d’IA générative, mais les difficultés sont les mêmes que pour breveter des logiciels. 

La convention sur la délivrance de brevets européens (CBE, art. 52(2)) dispose que les programmes informatiques en tant que tels ne peuvent pas être brevetés. Néanmoins, les logiciels peuvent être brevetés s’ils apportent une solution technique à un problème technique. En outre, une invention doit être suffisamment décrite. Une personne qualifiée dans le domaine doit être en mesure de la reproduire. Les systèmes d’IA fonctionnent souvent comme des boîtes noires, ce qui complique fortement l’analyse de leurs processus décisionnels. C’est ce qui est requis dans les demandes de brevet pour répondre aux exigences de suffisance de description. 

En ce qui concerne la brevetabilité des résultats générés par l’IA générative, les lois actuelles ne reconnaissent pas l’IA comme un inventeur. Une récente demande de brevet qui désignait le système d’IA DABUS comme un inventeur a été rejetée dans plusieurs pays. Aujourd’hui, seuls les développeurs humains peuvent être crédités comme inventeurs.  

La brevetabilité des inventions de l’IA étant un sujet complexe, il est conseillé de consulter des experts dans ce domaine.  
 

Protection des secrets commerciaux

Les résultats générés par l’IA peuvent être protégés en tant que secrets commerciaux s’ils demeurent confidentiels, s’ils possèdent une valeur commerciale et si leur propriétaire prend des mesures raisonnables pour préserver leur confidentialité. Par conséquent, les utilisateurs doivent s’assurer que les conditions contractuelles du système d’IA générative ne permettent pas d’utiliser les résultats générés comme données d’entraînement, au risque de compromettre la protection du secret commercial.

 

Conditions contractuelles des outils d’IA

La diversité des conditions contractuelles des outils d’IA pose de nombreux défis, surtout en ce qui concerne la propriété des résultats générés par l’IA, les droits d’utilisation, et les obligations en matière de confidentialité et de sécurité des données. Pour limiter les risques, les entreprises doivent adopter des stratégies contractuelles claires qui abordent les principaux points de préoccupation : 

  • Les contrats doivent indiquer comment les données d’entraînement peuvent être utilisées, y compris les éventuelles restrictions du droit d’auteur.    
  • Les contrats doivent également indiquer qui détient les droits sur le contenu généré par l’IA. 
  • Afin d’éviter les réclamations pour violation de la propriété intellectuelle découlant de l’utilisation d’outils d’IA et de leurs résultats, les contrats doivent comporter des clauses d’indemnisation.


Les versions payantes des systèmes d’IA générative offrent généralement des protections plus solides : confidentialité des données, couverture-responsabilité, modalités d’indemnisation, etc. Elles garantissent que les données des utilisateurs ne sont pas utilisées à des fins d’entraînement ultérieur et qu’elles respectent le RGPD, contrairement à certaines versions gratuites qui peuvent ne pas offrir ces garanties. Les versions professionnelles sont donc plus adaptées aux entreprises qui ont besoin de protéger leurs informations confidentielles.

Les conditions générales des principaux fournisseurs d’IA générative ne sont souvent pas négociables pour les utilisateurs standard, tandis que les entreprises peuvent bénéficier de contrats personnalisés et que les fournisseurs d’outils alternatifs ou de plus petite envergure peuvent proposer des conditions contractuelles plus flexibles.
 

 

Évolutions réglementaires 

Tous les acteurs de l’écosystème de l’IA générative, qu’il s’agisse des développeurs LLM, des développeurs d’outils ou des utilisateurs, doivent respecter les réglementations en vigueur telles que le règlement européen sur l’IA, qui fixe des obligations tout au long de la chaîne de valeur de l’IA. Il définit entre autres des exigences en matière de transparence, de responsabilité, de gouvernance des données et de gestion des risques adaptées au niveau de risque des systèmes d’IA.    

 

Trouver un guide compétent dans un paysage complexe

L’IA générative offre des opportunités majeures et pose des défis complexes en matière de propriété intellectuelle pour les entreprises spécialisées dans les technologies. La mise en œuvre de stratégies de propriété intellectuelle robustes, l’obtention de licences appropriées et l’élaboration de politiques internes claires constituent des étapes essentielles pour naviguer dans le paysage dynamique de l’IA et de la propriété intellectuelle.

 

La Cellule Brevets de Sirris, fondée avec le soutien de FOD Economy, est votre point de contact pour toutes vos questions sur la propriété intellectuelle. Katrien Meuwis est notre experte en la matière chez Sirris Elle dispose d’un solide bagage scientifique ainsi que des connaissances approfondies sur la question de la propriété intellectuelle. Vous pouvez la contacter pour mettre en place une stratégie en matière de propriété intellectuelle ou pour obtenir des réponses à vos questions sur la gestion des actifs de propriété intellectuelle, la valorisation de la propriété intellectuelle, les licences, les transferts de technologie et les contrats de collaboration.

 

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