Quels principes d'économie circulaire apportent de la valeur ?

Thomas Vandenhaute

Adopter l'économie circulaire est une bonne idée. Pour poser les bonnes questions, avoir une bonne vue d’ensemble et progresser, il est essentiel d’en comprendre les fondements.

Dans un précédent article, nous avons expliqué pourquoi il était judicieux d'adopter l'économie circulaire. Cet article est le deuxième d’une série de publications présentant cette norme d’économie circulaire.    

  1. Pourquoi évoluer vers l’économie circulaire ?
  2. Quels principes d'économie circulaire apportent de la valeur ?
  3. Comment lancer votre transition ?

Les principes fondamentaux décrits dans la norme BS8001:2017 sont illustrés dans la figure ci-dessus. Cet article les présente brièvement, ainsi que leurs interactions. On y retrouve évidemment les bonnes pratiques de gestion d'autres écoles de pensée et des systèmes de gestion axés sur la qualité, l’impact environnemental, etc. Nous décrivons les principes publiés dans la première norme d'économie circulaire et donnons des exemples et pratiques identifiés dans l’industrie.  

Pensée systémique

Principe : « Les entreprises adoptent une démarche systémique pour comprendre comment les décisions et activités individuelles interagissent dans le vaste système dont elles font partie. »

Les entreprises agissent en réseau. Ce concept est bien connu dans le domaine de la logistique. Toutefois, de nombreux autres facteurs ont une incidence sur les performances environnementales et économiques des entreprises. Il faut veiller à identifier les interdépendances. Outre les acteurs clés et les autres parties prenantes, des facteurs externes (contraintes politiques, changements technologiques, comportement des consommateurs, etc.) influencent les affaires. Il est moins évident d’identifier l’impact des leviers et boucles de réaction (positives et négatives), des liens relationnels (formels et informels) et des interventions systémiques (innovations produits-services, nouvel accès aux données, etc.). Les systèmes ne se comportent pas toujours de manière prévisible et l’effet des actions peut grandement varier. La pensée systémique peut aider les entreprises à gérer et modifier la complexité, ainsi qu’à identifier les conséquences potentielles des décisions et activités sur le long terme. 

Innovation

Principe : « Les entreprises innovent sans cesse pour générer de la valeur en permettant une gestion durable des ressources à travers la mise au point de procédés, produits/services et modèles d'activité. »

L’innovation peut être le résultat d’un travail de recherche et développement, mais elle peut aussi être le fruit d’une conception intelligente ou de collaborations progressives. Les innovations sont essentielles pour faciliter la transition vers un mode de fonctionnement plus circulaire. La circularité requiert une toute nouvelle perspective de la consommation et de la production, qui remet continuellement en question les pratiques de gestion. Dès lors, l’innovation technologique ne représente qu’un aspect des activités d’innovation à gérer.

La marque SEB a testé un modèle de paiement à l’usage avec une série d'appareils électroménagers baptisé Eurêcook. Outre le modèle commercial novateur, le projet a aussi illustré d'autres effets systémiques attendus et inattendus, tels que l’impact sur la conception des produits, sur les activités de reconditionnement, sur la logistique, etc.     

Gouvernance

Principe : « Les entreprises gèrent les effets directs et indirects de leurs décisions et activités dans le vaste système dont elles font partie. »

Dans ce contexte, la gouvernance est la responsabilité de l’entreprise vis-à-vis de tous les aspects de ses décisions et activités. Le management doit tenir compte de l’impact de la conception produit, des effets de la chaîne logistique et la satisfaction du client jusqu’à la fin de vie du produit. Il doit prendre en considération les problématiques économiques, environnementales et sociales, actuelles et à venir. La gouvernance a trait à la responsabilité de l’entreprise dans un système plus vaste.

La vision 'Doubler le chiffre d'affaires en réduisant l’impact de moitié' de Nike suppose de se concentrer sur des innovations débouchant sur des produits recyclables (empeignes tissées fixées de manière réversible sur des semelles biologiques recyclables), afin de réduire l’impact sur la chaîne logistique (centres de distribution, recours accru au transport par voie d’eau, etc.).  

 

 

(Source infographie: Nike) 

Collaboration

Principe : « Les entreprises collaborent en interne et avec l’extérieur en établissant des conventions formelles et/ou informelles génératrices de valeur pour toutes les parties. »

Vu la volonté d’une transition vers des modes de fonctionnement plus circulaires, il est peu probable que les entreprises y arrivent sans collaborer. Les collaborations progressives entre les entreprises (notamment les collaborations intersectorielles), les pouvoirs publics, les universités, la société civile et les consommateurs sont essentielles. L'adoption d’une approche conjointe avec des objectifs convenus d’un commun accord et une confiance réciproque est le fondement d’une collaboration fructueuse. Le besoin inhérent d’une communication claire, d’une vision et d’un but communs s'applique à la collaboration interne et externe.

La collaboration de plusieurs acteurs s’impose même pour les expérimentations à petite échelle. Pour notre projet Baby Bottle Reborn, une collaboration entre Materni, l’hôpital universitaire de Leuven, Go4Circle, Fost Plus, Indaver, Van Ganzewinkel, Ovam et Sirris était nécessaire pour accomplir de petites avancées. 

 

Optimisation de la valeur

Principe : « Les entreprises maintiennent toujours une valeur et une utilité maximales pour tous les produits, composants et matériaux. »

La valeur peut être optimisée par la réduction des coûts (par exemple l'accès à des matériaux moins chers ou la réduction du coût des déchets), de nouvelles sources de revenus (notamment une offre supplémentaire de produits ou services) ou une valeur moins quantitative (amélioration de la relation client ou meilleure agilité). La norme BS8001 décrit trois approches :

  • Les déchets et les flux secondaires peuvent générer de la valeur. La norme BS8001 se concentre sur les matériaux, alors que d'autres flux secondaires (énergie, chaleur, etc.) peuvent être valorisés. Il faut aussi penser à réduire l’impact par une adaptation des processus de production, de nouveaux processus pour les produits en fin de vie et l’utilisation de substances sans danger.
  • La valeur peut être générée par les ressources en utilisant les produits plus longtemps ou sur plusieurs cycles. Une fois encore, cela implique des efforts collaboratifs.
  • Le gain de capacité en termes d’espace ou d’équipements peut aussi être exploité dans de nouveaux flux de valeur.

En plus de ces approches, la réduction continue de la demande énergétique et l’amélioration de l’efficacité énergétique des processus et produits peuvent maximiser la génération de valeur. 

Transparence

Principe : « Les entreprises sont ouvertes aux décisions et activités qui ont un impact sur leur capacité à passer à un mode de fonctionnement plus circulaire et durable, et qui veulent communiquer de façon claire, précise, opportune, honnête et complète. »

La transparence doit être privilégiée pour rendre les informations accessibles anticipativement ou à la demande. Pourtant, il ne faut pas renoncer à la propriété intellectuelle. Il faut un réalignement des échanges d’informations par l’instauration d’une confiance mutuelle dans le cadre des collaborations en interne et en externe.

AW Europe réusine des boîtes de transmission automatique à grande échelle pour la majorité des marques automobiles. Son système est sans cesse réexaminé et évolue en permanence. En plus d’être une filiale du fabricant japonais de boîtes de vitesses, l’entreprise a des liens avec les constructeurs européens, les sites de réparation automobile (indépendants), des partenaires logistiques, des canaux de vente, etc. La collaboration est également nécessaire pour optimiser les flux logistiques entrants et sortants. De plus, les données et connaissances récoltées lors des inspections, des réparations et de l’analyse des modes de défaillance doivent être valorisées. À terme, il serait bénéfique pour AW Europe d’obtenir les données sur l’utilisation des produits provenant des capteurs dans les boîtes de vitesses, pour améliorer encore la conception et la maintenance des boîtes. Pour y arriver, les constructeurs automobiles et AW Europe doivent repousser les limites du système.

Les exemples illustrent la complexité grandissante des relations qu’implique cette approche par rapport à un système de fabrication et de vente traditionnel. Cela montre aussi que les principes décrits ne valent qu’en tant qu’activités interconnectées.  .        

Conclusion

Ce chapitre de la norme BS8 8001 permet de comprendre les principes et leur impact mutuel. Il est pratiquement impossible d’innover et d'avoir un impact sur tout le cycle de vie d’un produit sans collaborer ou réfléchir au système dans lequel le produit finira son cycle de vie.

On peut dire que les principes de l'économie circulaire constituent un système interconnecté. Bonne nouvelle : en se concentrant sur un principe, votre entreprise découvrira les autres. On acquiert souvent des connaissances et on découvre des perspectives dans ces domaines connexes et les pièces du puzzle s’imbriquent lentement en cours d’exploration.

Une chose est sûre : aucune entreprise ne peut mettre en place sa propre économie circulaire toute seule. Par définition, la collaboration dans un réseau de systèmes est de rigueur, car le principe de gouvernance veut que la responsabilité incombe toujours à votre entreprise. L’impact de votre entreprise dépend donc en partie des activités d'autres acteurs du réseau. De plus, l’impact environnemental ne s'arrête pas aux murs de votre entreprise.

Dans un prochain article, nous montrerons comment assembler le puzzle. Nous expliquerons brièvement la cadre de la norme BS8001 et verrons comment vous pouvez vous lancer. 

Nos services

Sirris et Agoria accompagnent et soutiennent les entreprises sur la voie de l’économie circulaire. Notre initiative identifie les petites étapes structurelles nécessaires pour atteindre les objectifs, tout en surveillant et renforçant l'implication des collaborateurs et des autres parties prenantes. Fortes de cette approche, les entreprises peuvent découvrir progressivement la valeur ajoutée susceptible d’être dégagée et d'aboutir à des mesures concrètes dans cette optique. La teneur et le tempo sont adaptés à l’organisation de l’entreprise.

Axée sur l'entreprise, notre approche consiste en un entretien prospectif, la sensibilisation, le conseil et l'accompagnement ; nous étudions les perspectives et solutions concrètes pour votre entreprise.

Par ailleurs, il existe une approche collective au sein du réseau d’apprentissage Circular Economy Connect, qui offre des perspectives de réseautage et d'apprentissage entre pairs. Au sein de ce réseau, vous nouez des contacts avec des intervenants notoires, vous avez la possibilité de visiter d'autres entreprises stimulantes, de partager vos expériences avec d'autres entreprises, de trouver des solutions à des défis communs et d'assister à des ateliers interactifs.

Cet article est publié dans la cadre du projet Eco-compliance als competitief wapen mené par Sirris et Agoria, avec le soutien de VLAIO.

(Figure au dessus @ Sirris, sur la base de la norme BS 8001) 

]]>

Auteurs

As-tu une question?

Envoyez-les à innovation@sirris.be