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Les marchés publics circulaires n’existent pas. Vive les marchés publics circulaires !

Article
Thomas Vandenhaute

Chaque année, les autorités (continentales, nationales, régionales et locales) en Europe consacrent quelque 14 % du PIB à des marchés publics, soit plus de 1,9 trillion d’euros. Elles intègrent de plus en plus des principes circulaires dans leurs appels d’offres. Ceci constitue un levier dont nous pouvons tirer davantage profit au sein de l’industrie manufacturière. Derrière les nombreuses opportunités ainsi créées se cachent aussi quelques incertitudes.

Le réseau d’apprentissage Circular Economy Connect de Sirris et d’Agoria avait consacré l’une de ses sessions à ce sujet. Nous souhaitons partager avec vous ici des expériences et des connaissances vous permettant d’accroître vos chances de réussite.

Les apparences sont parfois trompeuses

Les marchés publics circulaires visent à stimuler la transition vers une économie plus circulaire, ce qui est une bonne chose. Les notions d’économie circulaire et de marchés publics circulaires demeurent toutefois absentes des réglementations en matière de marchés publics. Ce vide juridique complique la situation. La législation utilise des concepts comme la durabilité, le respect de l’environnement, les performances climatiques, etc. Le défi consiste ici à traduire chacun de ces « termes » en critères évaluables.

En ce qui concerne la circularité, autorités et entreprises se trouvent encore en phase d’apprentissage. Il existe donc une marge de manœuvre et d’interprétation des deux côtés. Il s’agit certes d’un défi, mais cela crée également des opportunités pour les pionniers de l’économie circulaire.

Phases cruciales des marchés publics pour les achats circulaires

Les marchés publics traversent différentes étapes dans leur élaboration. Indépendamment de sa taille (c’est-à-dire la « valeur en euros »), un marché passe par des étapes plus ou moins formelles et également informelles qui suivent un ordre bien établi (voir schéma ci-après).

Les autorités accumulent de plus en plus de connaissances relatives à la circularité, mais ne parviennent pas toujours à les convertir en missions attrayantes et adaptées à une offre assez large sur le marché. Les fournisseurs, de leur côté, acquièrent également de l’expérience et des connaissances à ce sujet pour relever les défis de leurs clients, dont ils ont une idée précise. Ces solutions risquent de ne pas non plus convenir aux besoins et à la politique envisagée des pouvoirs publics.

La demande émanant des fournisseurs de produits et services circulaires innovants et des pouvoirs adjudicateurs entraîne un besoin d’échanger des connaissances et de l’expérience. Comment connaître l’étendue des possibles : quels sont les produits et services existants, comment mesurer ou évaluer la circularité ou la durabilité, comment tirer parti de l’impact du comportement sur l’environnement en tant que critère d’évaluation, comment estimer les risques liés aux nouveaux produits et/ou services, l’impact des modèles économiques sur les critères prévus, etc. ? Il s’agit donc de faire concorder les besoins et ambitions circulaires des autorités avec les innovations et ambitions circulaires des fournisseurs. Une telle démarche peut déboucher sur des idées nouvelles ou novatrices, essentielles pour entreprendre des actions concrètes.

Il importe ici de distinguer les grandes autorités ou organisations publiques, dotées du savoir-faire et du personnel, des plus petites communes qui ne disposent ni du savoir-faire ni du temps nécessaires.

Le fait que, dans la pratique, l’introduction de la circularité dans les appels d’offres ne se fait pas par le biais d’un seul achat circulaire constitue un défi commun au pouvoir adjudicateur et au soumissionnaire. Divers aspects (technique, financier, logistique, modèle économique, etc.) entrent en jeu. Cela requiert l’implication et la coopération de l’ensemble de la chaîne de valeur et de l’organisation interne des acteurs concernés.  

 

Conseils et astuces pour sauter le pas

À presque tous les niveaux, votre entreprise doit réagir de manière proactive : n’attendez pas que l’autorité soit prête, prenez les devants. Vous pourrez ainsi orienter la procédure et réfléchir à des critères d’évaluation appropriés. D’un autre côté, les autorités iront se renseigner sur l’offre. Veillez donc à ce que votre entreprise puisse être facilement trouvée pour ainsi augmenter la probabilité de faire repérer vos solutions. Chercher et être trouvé constituent une excellente base pour aligner les objectifs circulaires communs, et les adapter le cas échéant.

Voici ci-dessous quelques points de repère utiles pour engager la discussion entre les entreprises manufacturières et les autorités.

Procédure

Posez-vous la question suivante : à quelle étape des procédures crée-t-on le plus de valeur ? La réponse semble évidente : le plus tôt possible dans la procédure. Il importe donc d’être attentif aux études de marché des autorités et de faire connaître votre offre de manière proactive à ce groupe cible également. Veillez à ce que votre entreprise soit trouvée et consultée lorsqu’une étude de marché est lancée. Dans ce contexte, la communication aux moments où il n’existe pas encore de demande commerciale revêt une grande importante.

Le réseautage informel joue lui aussi un rôle crucial à cet égard. Participez aux événements d’information, projets pilotes, études, expériences, etc. De cette manière, vous apprenez à améliorer votre activité (produits et services), vous savez comment les autorités l’appréhendent et ce qu’elles considèrent comme important, vous identifiez les tendances, etc.

Plus généralement, il est aussi important de se faire une idée des différentes formes de marchés publics et de leurs moments spécifiques d’interaction et de négociation.

Spécifications techniques

La personne (ou l’équipe) qui rédige les spécifications techniques représente le principal levier de création de valeur. Il est donc essentiel de savoir qui est votre client au sein des autorités (département, personne, etc.) et quel est le problème à résoudre, grâce à des contacts informels ou à l’étude de marché. Votre produit ou service répond-il au défi de ceux qui fournissent les données pour les spécifications techniques ? En cas de combinaison produit-service, il est important de s’adresser au responsable financier afin de pouvoir affecter les budgets autrement. Les solutions en tant que service assurent le glissement de CAPEX vers OPEX. Gardez aussi à l’esprit que les processus décisionnels pour les investissements diffèrent de ceux mis en place pour les services. Il peut être intéressant d’examiner l’organigramme du pouvoir adjudicateur ou de l’organisation publique, le plan d’orientation de l’autorité spécifique et les budgets affectés.

En tant qu’entreprise, vous pouvez interroger les autorités sur les critères déjà utilisés par le passé pour les appels d’offres circulaires. Vous pouvez ensuite les faire correspondre rétroactivement à vos critères et à vos normes de mesure et examiner les avantages et les inconvénients sur cette base.

Le Green Deal Achats Circulaires a établi une carte d’ambitions dont les acheteurs circulaires (au sein des autorités et des entreprises) peuvent tenir compte en se concentrant sur une ou plusieurs stratégies. Vous trouverez les différentes stratégies identifiées ici. Comparez avec votre offre et recherchez les solutions alternatives ou complémentaires potentielles susceptibles d’augmenter vos chances d’obtenir une meilleure correspondance. Utilisez la carte d’ambitions comme point d’entrée pour engager la discussion avec les autorités.

Affiner votre offre en fonction de l’adjudicateur

Il est essentiel pour une entreprise d’inclure une certaine flexibilité dans ses offres, à savoir :

  • une durée contractuelle plus courte (que celle souhaitée ou financièrement optimale) 
  • la possibilité d’améliorer les produits et les services, en fonction de l’évolution du mode d’utilisation
  • différentes options à la fin du contrat (reprise, mise à niveau, achat, remplacement dans un nouveau contrat, etc.)
  • implication des autorités dans la phase de vie finale du produit (comment cela sera-t-il réalisé, les autorités peuvent-elles participer à la valeur résiduelle ?).

Les projets de plus grande envergure impliquent parfois l’implication d’acteurs antérieurs. Une solution possible pour stimuler la coopération dans ce cas de figure consiste à désigner un « point de contact unique » (ou intégrateur) qui facilite la synchronisation entre les différents acteurs et s’occupe des contacts avec le pouvoir adjudicateur. Il importe d’entamer la discussion avec l’adjudicateur sur la base d’objectifs communs (coût total de possession, coût du cycle de vie, passage de CAPEX à OPEX (pour les solutions AAS) ou réduction de l’empreinte environnementale).

Etude de cas : Q-Lite - commune de Rotselaar

Les coûts d’entretien des écrans LED ont effrayé la commune de Rotselaar à l’expiration du contrat d’entretien initial. Six ans après l’achat, des problèmes et des préoccupations ont fait leur apparition. Le conseil communal a confié la gestion de la problématique au responsable de communication. Ce dernier a exploré le marché en quête d’une solution zéro problème et prévisible sur le plan financier.

Q-Lite, qui produit et commercialise ce type d’écrans LED, compte parmi les premières entreprises contactées. Cette société a présenté son « Display-as-a-Service » (affichage en tant que service), qui a fait mouche. Le chargé de communication s’est appuyé sur les informations obtenues pour rédiger une spécification technique qu’il a transmise à sa collègue responsable des achats. Cette dernière a élaboré un appel d’offre sur cette base pour un « Display-as-a-Service ». Elle a convoqué trois fournisseurs potentiels, dont deux ont fait offre : Q-Lite, qui répond complètement aux exigences du projet, et une autre entreprise, qui atteint un score visiblement plus faible au niveau des critères d’évaluation.

Q-Lite a réussi à résoudre le problème du responsable de communication et a été récompensée en conséquence. Les acteurs de la commune (chargé de communication, acheteur et échevin) ont suivi un processus d’apprentissage et font désormais plus confiance au modèle « produit en tant que service ». D’autres combinaisons produit-service verront donc probablement le jour à l’avenir.

Leasons learned

Notre réseau d’apprentissage CE Connect sur le thème des marchés publics circulaires nous a permis de tirer les leçons suivantes :

  • Discutez avec les autorités.
  • Veillez à ce qu’elles vous trouvent.
  • Assurez-vous de connaître leurs procédures et à plus forte raison le côté informel du processus, là où se prennent in fine les vraies décisions !
  • Faites la promotion de vos solutions.
  • Collaborez : l’implication de plusieurs entreprises avec un produit en tant que service facilite la spécification par les autorités.
  • Mettez en place des expériences.

Faites-vous aider par Sirris

Sirris accompagne les entreprises dans l’entrepreneuriat et la conception de produits circulaires, l’élargissement de leur réseau, le développement de leurs produits et services en fonction de segments clients spécifiques, etc. Nous travaillons entre autres via des réseaux d’apprentissage. C’est à nouveau une formidable occasion de les rejoindre. Si vous souhaitez également apprendre grâce à d’autres entreprises et d’autres projets, faites-nous-en part rapidement et réservez votre place dans notre réseau.  

Vous trouverez plus d’informations à ce sujet sur le blog d’Agoria via ce lien.

(Image au dessus : Q-lite)

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