« Dis, Siri, quel est le sens de la vie ? » Les chatbots ne peuvent pas donner de réponses concluantes à ce type de questions. Ils peuvent cependant vous aider concernant la météo ou le cours des actions. Les chatbots ont fait une véritable percée ces dernières années. Nous avons demandé au Professeur Walter Daelemans de l’Université d’Anvers comment ils fonctionnent exactement et ce que nous pouvons en attendre à l’avenir.
Le Professeur Walter Daelemans fait des recherches sur la technologie des chatbots et prononcera le discours d'ouverture des AI Inspiration Sessions le 25 février 2022.
De quoi un chatbot doit-il être capable ?
« En termes professionnels, nous ne parlons pas de chatbots mais de conversational agents : des bots capables de tenir une conversation avec un être humain », explique le Professeur Daelemans. « Pensons notamment aux applications Alexa d’Amazon ou à Siri du concurrent Apple ». Pour pouvoir parler d'un agent conversationnel, trois conditions doivent être remplies :
- comprendre ce que quelqu'un dit
- produire une réponse (grammaticalement) correcte et pertinente ;
- tenir une conversation de manière cohérente, sans ignorer les interactions précédentes ou se contredire.
Les développements de l'apprentissage profond ont permis de nombreuses avancées dans la compréhension et la production du langage, de sorte que les deux premières conditions sont déjà largement couvertes. La troisième condition, en revanche, reste délicate. C'est parce que pour tenir une conversation, il faut surtout raisonner en fonction du contexte. Et l'IA rencontre toujours des difficultés à ce niveau. Cela demeure donc un défi de faire des avancées significatives en la matière.»
Chatbot question-réponse
« Pour comprendre pourquoi ce problème contextuel est si important, nous devons distinguer différents types d'agents conversationnels », explique le professeur Daelemans. « Le plus simple est le « chatbot répondant à une question »: vous posez une question et le chatbot vous donne la bonne réponse. Comme exemple, citons le VaccinChat, un projet auquel nous avons collaboré. Ce chatbot répond aux questions sur les vaccins contre le coronavirus.
Il s'est avéré qu’il n’était pas facile de faire fonctionner correctement le chatbot et à lui faire bien interpréter les questions. Environ 80 % des nouvelles questions ont reçu une réponse correcte, et ce avec une technologie de pointe. D'une part, il existe de nombreuses façons de poser la même question ; d'autre part, les informations changent rapidement. Il faut donc consacrer beaucoup de temps à l'optimisation et à la mise à jour constantes du chatbot. Les techniques IA devraient permettre au chatbot de devenir de plus en plus intelligent de lui-même. »
Exécuter des tâches
« Un deuxième type est l'agent conversationnel basé sur des tâches, qui exécute des tâches et résout des problèmes », poursuit le professeur Daelemans. « Ils sont l’avenir. Un tel chatbot peut par exemple vous aider à remplir votre déclaration d'impôts en ayant une conversation à propos de votre situation personnelle, après quoi il remplit lui-même les bonnes cases.
Notre recherche se concentre principalement sur les techniques d'apprentissage profond pour rendre un tel chatbot possible à l'avenir. Ces techniques IA jouent un rôle dans deux domaines. Tout d'abord, le chatbot doit posséder des connaissances de base suffisantes sur un certain sujet pour pouvoir le traiter dans le cadre d'une conversation. Dans notre exemple, il s'agit du droit fiscal. Nous pouvons saisir un grand nombre d'articles et de textes sur les impôts, afin que le chatbot acquière ces connaissances de base. »
« La personnalisation constitue un deuxième domaine, tout aussi difficile », explique le professeur Daelemans. « Peut-on faire en sorte qu'un chatbot évalue l'état d'esprit d'un client et réponde en conséquence ? » Comment un chatbot détermine-t-il le bon registre pour s'adresser à quelqu'un ? En d'autres termes, le vocabulaire et la façon de s’adresser à l’interlocuteur doivent-ils être formels ou informels ? Le vaccinChat a montré que les gens évaluent mieux les réponses d'un chatbot si elles sont données dans le bon ton et avec la bonne formulation. »
L’IA est-elle vraiment intelligente ?
« Les interprétations contextuelles sont donc les plus difficiles pour les chatbots. Ils répondent aisément aux questions littérales, mais les tâches plus complexes requièrent plus d’intelligence. Se pose donc la question de savoir si nous pourrons créer un jour des chatbots vraiment intelligents. Cela impliquerait qu’un tel chatbot possède des pensées originales et qu’il est motivé à les partager.
Sur la question de savoir si une IA est intelligente, il existe deux visions : d’aucuns trouvent qu’une IA ne produit que des variations de données d’entraînement historiques existantes. Dans cette optique, il n’est pas question d’intelligence, l’originalité et la créativité faisant défaut. Les possibilités du chatbot continuent donc de dépendre des données que vous introduisez : seule l’interpolation est possible, pas l’extrapolation. Et c’est cette extrapolation qui est nécessaire pour pouvoir parler d’intelligence.
D'autres, en revanche, pensent que ce n'est qu'une question de définition et qu'une IA peut faire preuve d'originalité même en interpolant. Prenons l'exemple de l’Avocado chair, une expérience dans laquelle on demande à une IA de produire l'image d'une chaise qui ressemble à un avocat. L’IA utilise des données existantes (images d’une chaise et d’un avocat) pour créer quelque chose de nouveau. La question se pose de savoir si c’est original ou simplement un variation arbitraire de données existantes. L'intelligence humaine fonctionne peut-être de la même manière. Notre originalité et notre créativité se fondent également sur des connaissances existantes. Cela dépend donc de la façon dont vous définissez l'intelligence », souligne le Professeur Daelemans.
Valeur pour les entreprises
Quelles applications concrètes des chatbots peuvent être intéressantes pour les entreprises ? « Il existe des possibilités aussi bien dans le contexte B2B que dans le domaine B2C », déclare le professeur Daelemans. « Un exemple du domaine B2B est celui des chatbots pour les agents d'assurance, qui peuvent demander très rapidement des informations au lieu de devoir les rechercher eux-mêmes. Ces chatbots sont spécialisés dans certains domaines, comme le droit des assurances.
Pour les entreprises B2C, les chatbots sont principalement utilisés pour soulager le helpdesk. Ce sont des chatbots de type question-réponse, qui fonctionnent déjà relativement bien. Ils sont en principe toujours basés sur les méthodes classiques, telles que les arbres décisionnels, un domaine limité étant automatisé. Cette technologie existe depuis les années 1980, mais une couche d'intelligence y est désormais ajoutée pour interpréter une plus grande variété de questions et fournir des réponses plus précises et plus complexes."
Vous aimeriez écouter le Professeur Walter Daelemans ? Alors, inscrivez-vous à AI Inspiration Session 'Conversational agents: a more assertive form of chatbots' du 25 février 2022. Au cours de cette session, vous pourrez également découvrir les témoignages de déploiement de chatbot à la ville de Gand, au sein de FIT (Flanders Investment & Trade) et chez Partena Professional.
Découvrez ici toutes les AI Inspiration Sessions, une série de sessions en ligne inspirantes remplies de cas pratiques sur la technologie de l'IA dans les entreprises belges.