Dans notre troisième article sur les principales notions de Circular Economy Connect, le réseau apprenant lancé par Sirris et Agoria, nous expliquons pourquoi une conception produit intelligente n’est pas la (seule) clé de l’économie circulaire et illustrons notre propos avec des exemples belges éloquents.
Fin 2016, Sirris et Agoria ont lancé Circular Economy Connect, un réseau apprenant où des entreprises technologiques d'avant-garde en économie circulaire échangent leurs expériences et dialoguent avec des experts en la matière. En attendant le Circular Economy Day Belgium le 21 novembre, nous vous présentons les notions élémentaires de notre réseau apprenant.
Écoconception
L'écoconception est souvent avancée comme étant LA clé de l'économie circulaire. Une conception produit adaptée, contribuant à une longue durée de vie et facilitant la réparation, la réutilisation, la collecte de pièces (« parts harvesting ») ou le remanufacturing, semble en effet permettre aux fabricants de tirer une plus grande valeur ajoutée de leurs produits dans le cadre d'une stratégie d'entreprise circulaire.
Prenons l'exemple du remanufacturing, qui se caractérise par un processus intensif en main-d'œuvre. Le produit utilisé est complètement démonté pour être remonté et testé après inspection, nettoyage et remplacement des pièces usées. Les entreprises qui en tiennent compte dès la phase de conception en misant sur la modularité et le démontage ultérieur (« design for disassembly ») peuvent réaliser des économies.
Mais une écoconception très poussée peut, dans le même temps, engendrer des coûts supplémentaires en termes de développement et production de nouveaux produits. Les retombées de l'écoconception n'apparaissent que plus loin dans le cycle de vie du produit, au moment de l'entretien, de la réparation, du remanufacturing ou du recyclage.
Pour garantir le succès de l'écoconception, il faut donc l'intégrer dans une stratégie globale en matière de circularité, qui examine les coûts et avantages à la lumière de toutes les phases du cycle de vie d'un produit. En tant que fabricant, vous devez réfléchir à des éléments tels que :
- Qu'en est-il de ma « base installée » ? Combien de produits d'un certain type ont été vendus ? Où sont-ils ? Sont-ils encore utilisés ? Il est important de le savoir afin de pouvoir estimer le bénéfice potentiel que pourrait générer l'écoconception.
- Suis-je certain de pouvoir récupérer suffisamment de produits utilisés en vue de leur réutilisation ou remanufacturing ? Et quel est le coût de la mise en place d'une logistique inversée ?
- Comment puis-je réunir les acteurs indispensables au sein de la chaîne de valeur et répartir les coûts et avantages ? S'il s'agit d'une activité exercée par d'autres acteurs, comme l'installateur des appareils, les avantages d'une conception intelligente – comme la conception modulaire permettant de réparer ou remplacer plus facilement des pièces cassées – se font sentir plus loin dans la chaîne et non à votre niveau. Comment puis-je réunir les acteurs indispensables au sein de la chaîne de valeur et répartir les coûts et avantages ? Quel rôle nouveau ou supplémentaire ces acteurs se voient-ils alors attribuer et qu'ont-ils à y gagner ?
- Un produit peut être conçu de sorte qu'il soit facile de le démonter et d'en récupérer des pièces. Il est alors important de disposer d'informations suffisantes sur l'état du produit. Quelles pièces ont été très utilisées et ne sont plus utilisables ou réparables, quelle est encore leur efficacité énergétique, est-il possible d'effectuer une mise à niveau des fonctionnalités, etc. ?
Les obstacles technologiques pour appliquer l'écoconception peuvent souvent être surmontés. De nombreux outils sont par ailleurs disponibles pour stimuler le réflexe d’écoconception dans les entreprises. Le principal défi pour les entreprises consiste à inscrire l'écoconception dans une stratégie globale et à élaborer à partir de là un solide business case circulaire afin de pouvoir profiter de la valeur ajoutée de l'écoconception sur toute la durée de vie du produit.
Quelques-uns des nombreux outils à disposition pour l'écoconception :
Outils qualitatifs :
- La roue des stratégies d'écoconception (LiDS – Life Cycle Design Strategy) date déjà des années 1990, mais elle constitue toujours un fil conducteur utile à une réflexion systématique sur une conception produit et processus optimisée.
- La matrice MET, des checklists écoconception, entre autres, qui permettent d'examiner l'impact des matériaux, l'énergie et la toxicité à toutes les étapes de la vie d'un produit. Vous trouverez un exemple d'une telle checklist dans les « Conseils de conception pour un recyclage optimal » (NL) de l'OVAM concernant notamment les appareils électriques et électroniques, les emballages et l'équipement de la maison.
- Et n'hésitez pas à parcourir le très détaillé Circular Design Guide (EN), élaboré par la Ellen MacArthur Foundation et IDEO.
Outils quantitatifs :
- L'Ecolizer (NL/FR) est un outil en ligne s'adressant aux développeurs souhaitant connaître et aborder l'impact environnemental de leurs produits.
- Des outils en ligne pour une analyse simplifiée du cycle de vie, comme OpenLCA et Ecodesign Tools de Ecoinvent.
- Il existe également un indicateur de circularité ramenant quantitativement à un score des éléments tels que la durée de vie, la réutilisabilité et la recyclabilité (EN).
ETAP Lighting, par exemple, investit déjà depuis longtemps dans l'écoconception. Les produits d’ETAP sont conçus pour une longue durée de vie, avec maintien du rendement quasi total jusqu'à leur fin de vie. Avec le « lighting as a service », ETAP mise désormais pleinement sur un business model donnant accès au client à un éclairage de qualité et durable, avec d'excellents produits, et ce à un prix abordable. Autrement dit, le modèle « product as a service » permet à ETAP de valider pleinement la valeur ajoutée de l'écoconception.
Chez Signify également (nouveau nom d'entreprise de Philips Lighting depuis mi-mai), la conception circulaire est intégrée dans une stratégie d'économie circulaire globale, assortie de business models circulaires, d'une collaboration au sein de la chaîne de valeur et d'une logistique inversée (voir illustration).
Gert Roeckx, CEO de Signify pour la Belgique et le Luxembourg, à propos de la conception circulaire : « Pour nous, déterminer ce qui est précisément circulaire constitue un défi majeur. Si nous pouvons recycler 10% de notre produit, est-il considéré comme recyclable ? Et à partir de quel moment peut-il être qualifié de circulaire ? Dans quelle mesure est-il possible de mettre à niveau le produit pour qu'après cinq ans, par exemple, il puisse faire peau neuve ? Dans quelle mesure est-il circulaire en termes d'entretien ? Combien de composants, nécessitant un entretien régulier, pouvons-nous en retirer ? Et avons-nous toutes ces pièces en stock ? Est-il économiquement viable d'avoir X composants en stock ? En l'absence d'une norme générale, nous avons défini notre propre système de test. Nous y confrontons nos produits afin de démontrer que nous fournissons un concept véritablement durable. »
Dans le cadre du projet européen Greenelec, Barco a passé au crible la conception de ses écrans afin de l'améliorer en vue du recyclage (« design for recycling »). Le temps de démontage des circuits imprimés (PCB), qui contiennent de nombreux métaux précieux, a été drastiquement réduit en diminuant le nombre de PCB et en veillant à ce que les câbles ne soient plus fixés aux PCB. Le nombre de vis utilisées a également diminué. Résultat ? Les avantages de cette conception modulaire et simplifiée ne se situent pas seulement en fin de course, lorsque les produits sont prêts pour le recyclage, mais aussi pendant l'assemblage et lors de la mise en service des appareils, avec des économies à la clé pour Barco.
Vous avez des questions sur la conception circulaire ou vous pourriez en tirer avantage ? Contactez-nous et nous y réfléchirons ensemble !
Dans un prochain article, nous traiterons des données (big data) et de la façon dont elles peuvent renforcer votre stratégie d'entreprise circulaire si elles sont utilisées intelligemment.
Co-auteur: Helen Versluys (Agoria)
(Source photo : https://en.wikipedia.org)
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