La compréhension de l'évolution de la responsabilité tout au long de la vie d'un produit révèle la valeur circulaire

Thomas Vandenhaute

Dans cette série de blogs, nous démêlons l'économie circulaire, en reliant la théorie à des exemples pratiques et aux meilleures pratiques. Nous basons sur l’ouvrage « The Circular Economy : A User's Guide » de Walter Stahel pour approfondir les idées clés et les relier à des exemples et des cas réels.  

Il est essentiel de connaître l'influence et le pouvoir de décision des différents acteurs de la chaîne de valeur circulaire pour divulguer la valeur. La compréhension les responsabilités des parties prenantes concernées permettra de mettre les principaux acteurs en évidence et vous mènera à la prochaine étape de votre voyage circulaire.

Le fabricant est propriétaire du design

La responsabilité que vous avez en tant que fabricant oriente les décisions en matière de design de produit, de fabrication, de distribution, etc. Par exemple, en votre qualité de fabricant, vous êtes responsable du fonctionnement sûr des produits que vous mettez sur le marché. Vous effectuez donc une analyse des risques et vous mettez en œuvre des actions de prévention ou d'atténuation qui garantissent que votre produit est conforme aux réglementations et, surtout, que votre client puisse utiliser le produit sans problème. En d'autres termes, c'est vous, en tant que fabricant concepteur, qui déterminez les caractéristiques du produit et sa qualité au moment de la vente. D'autre part, vous pourriez souhaiter que les clients et d’autres parties prenantes fassent part de feed-back qui pourrait être utilisé pour la mise au point de (nouveaux) produits. En termes de design, les enseignements les plus précieux proviennent probablement des attentes du client, de son comportement par rapport à votre produit, de son profil d'utilisation du produit, etc. En fait, vous voulez vraiment savoir pourquoi un client cesse d'utiliser votre produit. Mais il est certain qu’en fin de compte, c’est vous, le fabricant, qui définissez comment traduire ces informations dans la spécification finale du produit et comment vous mettez le produit sur le marché. Le fabricant est propriétaire du design.

Le propriétaire décide

La même logique s'applique pour le propriétaire du produit. C'est le propriétaire du produit qui décide (souvent de manière informelle) si et comment il va l’utiliser. C'est le propriétaire qui décide de l'entretien du produit, de sa réparation, de sa mise à niveau, de sa remise à neuf ou encore de sa refabrication. Plus encore, c’est le propriétaire qui décide si et quand le produit recevra une seconde vie ou s'il sera éliminé comme déchet. C’est dans ce pouvoir de décision du propriétaire que réside sa responsabilité. En votre qualité de fabricant concepteur, vous pouvez apporter des idées et des recommandations, mais c'est en fin de compte le propriétaire qui décide. Ce n'est que pendant la période de garantie que l'influence du fabricant peut être plus forte.
On pourrait penser que le fabricant est toujours nécessaire pour les pièces de rechange, pour la maintenance ou les mises à niveau. Toutefois, ce n'est pas toujours le cas, comme nous l'expliquerons plus loin.

Cela signifie que les propriétaires de produits, comme les fleet managers, tiennent les rênes. Quant aux sociétés de services (sociétés de maintenance, facility management, etc.), elles sont en concurrence avec les entreprises de fabrication pour augmenter la valeur à partir de la durée de vie utile des produits.     

Le moment du transfert de propriété est donc aussi un transfert de responsabilité et donc un transfert de pouvoir de décision.
Il va sans dire que le maintien d'une relation étroite avec le propriétaire du produit (et/ou l'utilisateur) est une condition préalable pour débloquer la valeur de service du produit. Ce raisonnement est l'une des raisons fondamentales pour lesquelles l’approche « produit en tant que service » (PaaS) peut être une façon très efficace pour augmenter la valeur. En maintenant la responsabilité au niveau du fabricant, la durée de vie du produit est également pilotée par ce dernier. Dans ce contexte, le terme « responsabilité » est essentiel. La pratique du financement des produits en tant que service peut en effet dissocier la propriété de la responsabilité. Une société de leasing peut devenir propriétaire d'un produit (pour la durée du contrat de service), tandis que le fabricant conserve la responsabilité du service fourni aux produits chez le client.
Exemple : dans certains modèles Light-as-a-Service, les armatures (produits) sont la propriété d'une société de leasing pour la période contractuelle, tandis que le rendement lumineux (service) est la responsabilité du fabricant par l’intermédiaire de la maintenance, des contrôles, des mises à niveau, etc.

Bienvenue dans le monde réel

Dans de nombreux cas, en particulier dans le domaine du B2B, les choses sont souvent bien plus complexes. Le propriétaire n'est pas nécessairement l'utilisateur du produit. Quant aux responsabilités, elles peuvent se déplacer dans le temps, en fonction des accords contractuels entre diverses parties prenantes.

Exemple : les équipements CVC fabriqués, tels qu'un refroidisseur ou un équipement de ventilation, peuvent appartenir au propriétaire du bâtiment, tandis que l'installation est effectuée par un prestataire de services. L'entretien et les inspections de santé et de sécurité sont, par le biais d'un contrat et donc pour une durée précise, confiés à une société de gestion d'installations qui commande l'exploitation des services à un autre prestataire de services, alors que l'utilisateur peut ne louer qu'une partie du bâtiment. Enfin, il se peut que les personnes bénéficiant de la fonctionnalité CVC n’appartiennent pas à l'une des parties mentionnées ci-dessus, mais soient des clients, des visiteurs, etc. Dans la plupart des cas, le tableau est complexe et nécessite une analyse approfondie pour déterminer toutes les responsabilités au fil du temps.     

Conseil : Vérifiez où vous vous situez dans le classement, en tant que fabricant, lorsque le client/utilisateur a des besoins liés au produit que vous avez fourni. Peut-être n'occupez-vous pas le trio de tête des clients au moment où un service est requis. Un bon point de départ consiste à estimer les risques pour les autres acteurs dans le réseau. Outre des produits et des services, que pouvez-vous fournir (par exemple des connaissances, des données, un accès aux ressources, etc.) afin de réduire ces risques tout en prolongeant la durée de vie du produit ? 

Faites vôtre cette complexité qui est entrée dans l'entreprise. Elle présente l'avantage majeur de pouvoir réduire les risques commerciaux. Dans une perspective circulaire, cela signifie que les éléments interconnectés peuvent devenir un réseau plus résilient. Si une partie prenante ne fournit pas son produit ou son service, il y a plus de chances de trouver des alternatives.  

En outre, de la valeur peut se dissimuler dans la complexité. La plupart d'entre nous aiment la simplicité ; nous avons donc tendance à transférer la complexité associée vers d'autres partenaires. Dans le monde réel, nous avons besoin de rôles supplémentaires lors de l'introduction du concept de Produit en tant que service, car il est réputé pour sa complexité. L'une des suggestions présentées dans la publication d'Econocom pour Circulair Vlaanderen, 'Financiering van de circulaire economie' (en néerlandais), réside dans le rôle d'intégrateur. La figure ci-dessous tente de définir et de mettre en relation les acteurs requis. En ce qui concerne l'exemple d’un système CVC, les concepts à venir, tels que maitrise d’œuvre /construction/maintenance (DBM), tentent de réduire la complexité tout en garantissant la qualité et en définissant clairement les responsabilités. Le besoin de tels nouveaux rôles pourrait représenter une opportunité pour certains d'entre vous.

Conseil : Comment positionneriez-vous les acteurs de votre projet circulaire ? Quelles sont les responsabilités et que manque-t-il pour en faire un système efficace ? Une stratégie efficace et éprouvée consiste à trouver un objectif commun avec vos partenaires afin de maximiser la valeur tout en réduisant les risques.  

 

 

Étude de cas : TVH est un fournisseur de solutions complètes pour la manutention, proposant la location d'équipements, la distribution de pièces détachées, la remise à neuf de pièces de rechange, la prestation de services, etc. Le large éventail d'activités de l’entreprise illustre le rôle qu’elle joue en tant que fabricant dans la chaîne de valeur après la vente d'un équipement. Certains équipementiers attendent de cette entreprise qu’elle fournisse à temps la pièce de rechange requise à leurs clients et qu’elle puisse offrir des services supplémentaires. Au fil du temps, elle a repris des responsabilités (de disponibilité et livraison des pièces) des équipementiers.     

Propriété en fin d'utilisation

Lorsqu'un produit devient un déchet, un autre transfert de propriété et de responsabilité a lieu. Il peut exister de multiples processus en cascade. Un produit peut être mis au rebut par son propriétaire, tandis que le nouveau propriétaire peut décider de réutiliser ou de réaffecter le produit ou des pièces de celui-ci. Plus on se rapproche du matériau proprement dit et plus la valeur résiduelle diminue. Une stratégie pour faire face à cette baisse de valeur consiste à maintenir la propriété et la responsabilité à un niveau aussi élevé que possible dans la chaîne de valeur. En votre qualité de fabricant ou prestataire de services, il pourrait être intéressant de maintenir la responsabilité en étroite collaboration avec le propriétaire de la flotte ou l'utilisateur. Pour vous, fabricant (ou nouveau propriétaire potentiel), le produit peut avoir plus de valeur que les déchets. Bien souvent, cette valeur se retrouve dans certains des composants plutôt que dans le produit dans son ensemble.

Conseil : Impliquez-vous dans les ventes d'occasion de votre produit. En tant que fabricant, vous avez les connaissances et les compétences nécessaires pour inspecter et évaluer le statut d'un produit retourné. Sur la base de cette évaluation, vous pouvez définir le prix et la garantie éventuelle que vous fournirez.

Étude de cas : Aerocircular est une entreprise qui démantèle les avions en fin de vie. Elle collabore étroitement avec le propriétaire de la flotte. Elle assure le service de démantèlement et une valorisation optimale. En se répartissant les recettes des ventes de pièces, de matériaux, etc., les parties ont toutes deux intérêt à s'efforcer de maximiser ce processus. C'est la raison pour laquelle elles recherchent en permanence de meilleures applications pour les pièces (panneaux, sièges, etc.) et les matériaux (acier inoxydable, aluminium, etc.) en fin de vie.

Conclusion

L'un des enseignements clés pour une entreprise manufacturière qui évolue vers l'économie circulaire est d'obtenir des connaissances approfondies sur la manière dont les responsabilités évoluent actuellement au cours de la durée de vie du produit. Ces connaissances vous permettront de détecter comment cette valeur peut être révélée à chaque cycle de vie : pendant l'utilisation du produit par son propriétaire et/ou son utilisateur, à la fin de sa (première) vie ou lors de son élimination finale.

Si vous voulez améliorer votre offre de produits CE, il est essentiel d'investir dans de bonnes relations avec la clientèle. Il est essentiel de maintenir le contact en créant et en utilisant des lignes de communication.
Les conseils ci-dessus seront intégrés dans un outil permettant aux entreprises d’évaluer leur circularité. Restez attentifs afin d’être les premiers informés lorsque nous lancerons cet outil !  

Vous voulez en savoir plus ou discuter de votre idée commerciale circulaire ? Faites-le-nous savoir. Nous partagerons avec vous toutes nos informations et notre réseau afin de faire progresser l'économie circulaire.   

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