Mesurer, c'est savoir, mais savoir ne suffit pas. La circularité mondiale est en berne depuis 2019. Si nous voulons inverser la tendance, nous devons accepter que des changements sont nécessaires. C'est tout aussi important que les résultats des mesures. Voici quelques conseils pour cette approche alternative.
Nous savons que les ressources de notre planète ne sont pas illimitées. Nous devons donc découpler notre consommation de celles-ci de la croissance économique. L'idée n'est pas de ralentir un peu la croissance de la consommation de ressources, mais de la ramener en deçà du seuil de saturation de la planète. Il ne s'agit pas d'une idéologie, mais de faits connus.
Portée et engagement dans la mesure
Le message du Circularity Gap Report 2023 est clair : la circularité mondiale est passée de 9,1% en 2018 à 8,6% en 2020 et 7,2% en 2023. Mesurer, c'est savoir, mais savoir ne suffit pas.
Même tendance au niveau des entreprises. Imaginons que l'analyse des données indique que votre consommation de matériaux et votre impact sur l'environnement augmentent avec la production et les ventes. Presque tout le monde dans votre entreprise vous dira (ou pensera) qu'on le savait déjà. Si vous continuez ainsi, vous savez donc que l'état de la planète ne fera qu'empirer. Votre entreprise est-elle déjà arrivée à cette conclusion ?
Et sachant cela, que devons-nous faire ? La clé réside dans le « nous » : les pouvoirs publics, les entreprises, etc. Tout le monde semble attendre que les autres bougent.
Pourquoi attendre ? Voici les arguments souvent invoqués par les chefs d'entreprise, responsables de projets circulaires et autres décideurs :
- Le marché n'est pas encore demandeur, et certainement pas prêt à payer pour des produits et services circulaires.
- L'offre de produits et services circulaires ne comble pas mes besoins.
- Le changement nécessaire n'est encore soutenu par personne.
- Il faut attendre les réglementations, pour que notre entreprise ne soit pas pénalisée par le surcoût des produits et services circulaires.
- Les entreprises ne sont pas demandeuses de nouvelles réglementations. Il serait peut-être plus judicieux de laisser ça en suspens.
Chacun de ces arguments repose sur des observations réelles. D'un autre côté, mis côte à côte, ils sont également contradictoires.
Bref, il est nécessaire d'adopter une perspective différente, une autre approche pour relever le défi.
Nouvelle perspective reposant sur la conviction que vous comptez
L'absence d'engagement face à de telles mesures n'incite pas à agir concrètement. Il est important que vous soyez convaincu que vous pouvez contribuer au changement, que vous pouvez changer les choses. Vous ne savez peut-être pas encore comment, mais vous êtes déterminé, c'est possible, même nécessaire. Il ne s'agit donc pas seulement de mesurer et de savoir : votre volonté d'agir et d'adapter votre comportement est encore plus importante.
Ce paragraphe vous concerne vous, la personne qui se cache derrière le rôle que vous occupez dans votre entreprise. Quand on ose regarder la réalité en face, tout le monde peut avoir des doutes et des craintes. D'un autre côté, les gens sont très résilients, innovants et, surtout, doués pour la collaboration. Cela doit nous conforter dans l'idée qu'ensemble, nous pouvons progressivement imaginer et mettre en œuvre des solutions.
Changer de perspective, se concentrer sur les opportunités plutôt que sur les défis, ne procure pas seulement plus d'énergie, mais cela donne aussi de nouvelles perspectives et un nouvel élan. En mettant l'accent sur l'innovation (pas forcément technologique), en visant les stratégies circulaires telles que l'allongement de la durée de vie des produits, on peut identifier, étape par étape, davantage d'opportunités qu'il est intéressant d'explorer.
Traduire cette conviction en un défi suffisamment ambitieux
Placez la barre haut ! La motivation est plus importante lorsque l'objectif est ambitieux. Proposer une amélioration de 5-10%, c'est bien, mais pas très excitant. Un doublement ou une multiplication par 10 requiert cependant une autre approche et une autre façon de penser. Cela stimule la tension créative entre la situation actuelle, notre conviction profonde de ce qui est nécessaire et notre ambition de contribuer à la satisfaction de ce besoin.
La tension émotionnelle (peur, stress, colère, tristesse, anxiété, incrédulité, etc.) que cela peut aussi impliquer n'est pas nécessairement négative. Il est important de la reconnaître. En disant la vérité sur la tension créative et la tension émotionnelle, on obtient une image réelle. Une réalité qui n'est pas seulement un rêve, mais aussi un défi que nous voulons relever. Progressivement, on va mettre l'accent sur le concret : « Que voulons-nous créer ? ». C'est précisément ce sur quoi vous voulez que l'entreprise se concentre.
(Source: Genwise)
Pratique dans les entreprises manufacturières
D'après notre expérience des entreprises manufacturières, il faut adopter d'autres perspectives pour obtenir des actions intéressantes et réalisables : circularité, régénération, triple P, raisonnement à partir de la chaîne de valeur et du cycle de vie des produits, etc. Il faut rechercher un avantage pour l'entreprise, le client, les autres parties prenantes et la société.
Exemple de stratégie circulaire axée sur le remanufacturage. Le win-win peut se présenter ainsi :
- Avantage pour l'entreprise : amélioration/renforcement des relations avec les clients (activités récurrentes), marges bénéficiaires souvent élevées, accès aux données et compréhension des raisons de mise au rebut des produits, informations sur le statut du produit lorsqu'il est mis au rebut, remanufacturage en tant que modèles de revenus supplémentaires (produit en tant que service, location, récolte de pièces détachées, etc.), création d'emplois locaux à proximité de l'utilisateur du produit, etc.
- Avantage pour le client : réduction des coûts et des délais, disponibilité des pièces de rechange, valeur ajoutée des services tels que les mises à niveau, surveillance, etc.
- Avantage pour la société et les parties prenantes : réduction de la consommation de matériaux et de l'empreinte carbone, possibilité d'offres pour des segments de clientèle spécifiques, emplois qualifiés pour les profils de résolution des problèmes.
Ce qui fonctionne dans les entreprises manufacturières : en procédant par étapes, vous et votre équipe prenez de l'assurance. Cela augmente progressivement votre niveau de perception de cette influence et par conséquent la mesure dans laquelle vous pouvez réellement faire la différence. Il s'agit d'une dynamique de renforcement typique que nous observons dans les entreprises de premier plan.
Rôle clé
Autre élément qui mérite une attention particulière : les entreprises qui jouent un rôle moteur en tant que leaders de marché, innovateurs majeurs, créateurs de tendances, etc. ont également un rôle clé à jouer dans cette transition. Ces entreprises ont les capacités R&D, la présence sur le marché et l'influence nécessaires pour donner le ton dans le domaine de la circularité. Que pensez-vous des pionniers qui ne font rien ? Exploitez cette grande influence sur le développement de marchés, de produits et de services pour contribuer à la formulation de la vision et de l'ambition. Les petits innovateurs d'aujourd'hui pourraient rapidement percer. Il suffit de penser à la position de Tesla il y a dix ans et au partage du marché des véhicules électriques aujourd'hui. Par ailleurs, l'évolution rapide des réglementations européennes met la pression sur les entreprises établies. The time is now.
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