Focus sur la façon dont nous agissons afin de progresser sur la voie de la circularité
Au fil des ans, nous avons croisé la route de nombreuses personnes qui évoluaient vers la circularité. Si l’on se fait volontiers l’écho des réussites circulaires, nous avons également observé des échecs et des revers en cours de route, même dans les cas qui ont fini par aboutir. Qu'avons-nous appris jusqu'à présent ?
Outre la chance, nous avons appris que les individus et leur comportement faisaient souvent la différence entre abandon et persévérance, entre rigidité et flexibilité, entre la perception que la circularité est impossible et la mise en œuvre réussie de pratiques circulaires. Nous avons appris que les personnes qui adoptaient une approche flexible, ouverte et polyvalente étaient celles qui progressaient le plus dans leur parcours circulaire.
Pourquoi les problèmes complexes et épineux sont-ils si difficiles à résoudre ?
Dans les pratiques commerciales courantes, nous faisons preuve de biais. Nous sommes formés pour analyser et comprendre les problèmes afin de prédire le résultat des actions que nous entreprenons (« réfléchir avant d'agir »). Les multiples variations de cette approche conduisent à une prise de décision centralisée et à l'application d’approches antérieures en guise de schéma directeur pour « tous » les défis futurs. Cela suppose une vérité unique reposant sur une connaissance « complète » qui doit être transférée au bon niveau de prise de décision dans l'organisation.
Cette approche fonctionne dans les situations où il existe une relation de cause à effet et où il est possible de la prévoir en étudiant suffisamment ou en disposant d'un vaste savoir-faire. Des projets tels que la mise en œuvre d'un système numérique pour la surveillance des conditions, ou des défis d'ingénierie tels que la conception d'un modèle modulaire et la construction d'un configurateur, relèvent de cette catégorie. Lorsqu’on connaît tous les tenants et aboutissants, on peut prédire le résultat pour chaque entrée. Ce type de défis peut être analysé et intégralement compris.
Le contexte commercial évolue. L'économie évolue. La plus forte rentabilité économique à long terme et le potentiel de réduction de l'impact sur l'environnement vont de pair avec une complexité accrue. On peut penser ici à des contrats à long terme avec un produit en tant que service générant des revenus récurrents sur une plus longue période. La transition vers une économie plus circulaire nous met face à des situations de plus en plus complexes ou chaotiques. Elles impliquent des défis dans des systèmes ouverts avec de nombreuses interactions et interdépendances, et avec des résultats intrinsèquement imprévisibles. Il est très difficile, voire impossible, de modéliser efficacement ce type de problèmes et de situations.
Dans certaines entreprises qui souhaitent étoffer leur portefeuille avec des activités permettant la circularité, nous constatons que les individus se concentrent sur les aspects prévisibles des défis pour lesquels un savoir-faire est requis. Cela leur procure bien entendu l’impression subjective que les choses sont sous contrôle, ce qui les incite moins à sortir de leur zone de confort. Évidemment, le revers de ce comportement est que d'autres défis (moins prévisibles et que le seul savoir-faire ne permet pas de résoudre) ne sont pas relevés, alors qu'ils pourraient rapidement devenir le cœur du progrès circulaire. Il peut être séduisant de s'éloigner des projets risqués et d’opter pour la zone de confort des certitudes.
Nous avons appris que les leaders circulaires entreprenants et dynamiques adoptaient une autre façon de progresser et d'apprendre. Un exemple tiré du développement de logiciels, lui aussi complexe, est l'approche « scrum/agile » : procéder par petits pas, valider, améliorer, répéter. Cette approche itérative semble infaillible pour réaliser des progrès circulaires. Pour saisir les opportunités commerciales circulaires, il faut agir dès maintenant. Avancer à petits pas et apprendre par la pratique ne présentent pas de risques.
Autre exemple : la cartographie de la chaîne de valeur
En cartographiant l'ensemble de la chaîne de valeur avec tous les acteurs auxquels on peut penser, on peut comprendre qui est impliqué et quelles sont les relations. Cela ne permet toutefois pas de « contrôler » ou de « piloter » la chaîne de valeur. Nous sommes rapidement confrontés aux limites de notre compréhension du défi. Dans le meilleur des cas, nous pouvons reconnaître et identifier certains effets imprévisibles du comportement des acteurs de la chaîne de valeur au fil du temps. Par exemple, il pourrait être intéressant de se focaliser sur la conception d'une plate-forme d'échange de données ou sur la mise en relation de l'offre et de la demande de biens en fin de vie. Le véritable problème sous-jacent, plus complexe, pourrait être de savoir qui a un besoin précis, et à quel moment. Il faut donc comprendre plus en détail les besoins et les motivations du client ou de la partie prenante. La cartographie est très utile pour mieux comprendre et voir l'importance des relations sous-jacentes. Le schéma de cartographie est un modèle incomplet de la situation ; il pourrait aider à identifier les effets imprévisibles en cas de modification des interactions et des interdépendances.
Nous décrivons cet effort de cartographie dans notre article sur la façon de trouver des partenaires pour établir une chaîne de valeur circulaire. Vous pouvez également télécharger un outil qui vous aidera à le faire vous-même: |
L'extension de cette logique aux acteurs (individus) internes et externes permet d'identifier les facteurs d'amplification et de résistance. Un exemple typique, lors du lancement d'un produit en tant que service, est l'impact sur les ventes. Les incitants habituels concernent les ventes régulières. Comment peuvent-ils promouvoir le concept « en tant que service » si cela va à l'encontre de leurs intérêts financiers ? Il est donc nécessaire de tenir compte de nouvelles bases communes, y compris des incitants.
Relâcher le contrôle pour garantir le progrès
Dans notre recherche de facteurs de réussite, le cadre Cynefin (par Dave Snowden) décrit le mieux ce que nous observons. Ce cadre de réflexion logique permet de définir la manière d'aborder un problème en fonction de son type. L'essentiel est d'accepter que nous ne sachions pas toujours initialement à quel type de problème nous sommes confrontés.
En bref, quatre types de problèmes sont décrits :
- Problèmes simples : les relations de cause à effet existent, sont prévisibles et peuvent être répétées.
- Problèmes compliqués : les relations de cause à effet existent, mais ne sont pas évidentes et nécessitent donc un savoir-faire.
- Problèmes complexes : la cause et l'effet ne sont évidents qu'a posteriori, avec des résultats imprévisibles et émergents.
- Problèmes chaotiques (épineux) : aucune relation de cause à effet ne peut être déterminée.
Les problèmes simples dont la relation de cause à effet est évidente possèdent des méthodes de résolution prédéfinies. Dès que nous connaissons les problèmes, nous savons comment parvenir à la solution. Pour ce type de problèmes, une pratique optimale est appliquée.
Exemple : nous devons connaître l'état d'un produit en fin de vie. Il nous faut donc l'inspecter et le tester. Une meilleure pratique consiste à tester un dispositif ou un composant afin d'en identifier l'état.
Les problèmes compliqués sont ceux que nous avons décrits ci-dessus comme étant les problèmes que vous pouvez analyser pour trouver la solution. Ici, vous avez besoin de savoir-faire pour trouver la solution. Il vous faut donc engager un expert et mettre en place une bonne pratique pour trouver la solution. Les situations étant différentes, plusieurs bonnes pratiques peuvent être appliquées avec succès, en fonction de la situation. L'expert pourrait vous aider à trouver vos bonnes pratiques.
Exemple : nous devons mettre au point une technologie pour le suivi des produits. Il peut être judicieux de faire appel à un expert dans ce domaine. Cet expert peut nous guider vers la bonne pile technologique, afin de résoudre ce problème pour votre produit spécifique, votre marché, etc.
Les problèmes plus complexes ne peuvent pas être résolus par le savoir-faire ou une bonne pratique, car la cause et l'effet ne peuvent pas être prédits, mais seulement détectés après que des mesures ont été prises. C'est à ce moment que les praticiens de l'économie circulaire qui sont à l'avant-garde « relâchent le contrôle » et changent d’approche. Ils n'ont pas de plan d'action fixe défini du début à l’objectif final. Ils utilisent un ensemble de principes directeurs et, surtout, un rêve ou une conception énergisante qui attire d'autres personnes.
Exemple : nous sommes en train de passer de la vente de produits à la vente de produits en tant que service. Cela pourrait nous amener à concurrencer nos clients actuels (p. ex. les distributeurs/installateurs) alors que nous avons toujours besoin d'eux pour installer et entretenir les produits. Nous devrons commencer à communiquer, à déterminer où se situent les avantages mutuels, et ainsi de suite. Cela exigera des expériences à petite échelle, des petits pas sur la voie d'un terrain d'entente.
Éléments ou approches les mieux adaptés aux environnements complexes
- Petits pas, expériences, apprentissage par la pratique.
- Adopter des points de vue multiples, en passant fréquemment d'un niveau très concret à une vue systémique de haut niveau.
- Surveillance réflexive guidée par votre philosophie et votre ambition.
- Un état d'esprit ouvert à la collaboration avec les parties prenantes à l'intérieur et à l'extérieur de votre organisation.
- Permettre le chaos et l'échec et ne pas essayer de contrôler l'incontrôlable.
- Ne pas supposer que les solutions fonctionnent toujours de la même manière dans des contextes différents. Par exemple, il ne faut pas s'attendre à ce qu'une solution qui a fait ses preuves dans un projet pilote puisse être transposée à plus grande échelle sans adaptation.
Lorsque l'on commence à concrétiser des stratégies circulaires, comme la réparation, la remise à neuf ou la réutilisation, il vaut mieux aborder les problèmes les plus complexes de manière itérative. Sondez ou testez (expériences à petite échelle, petits pas, etc.) afin, de tirer des enseignements et de construire pas à pas votre pratique émergente. Il est essentiel de savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Ainsi que de découvrir les conditions secondaires du succès (p. ex. certains segments de clientèle sont plus attirés par les produits remis à neuf ou reconditionnés que d'autres). Aucun expert ne pourra fournir les solutions. La seule façon de faire consiste à tester afin de voir si cela fonctionne.
Nous avons exprimé cette approche itérative à petits pas dans des articles tels que Dans chaque entreprise, il existe déjà des germes circulaires et de bonnes pratiques. À vous de les exploiter. et dans des études de cas tels que Modular Lighting Instruments. |
Les problèmes chaotiques ou épineux sont réellement imprévisibles, car il est impossible d’en déterminer les causes et les effets. Il s'agit d'une zone dangereuse si l'on y pénètre involontairement. Préparez-vous et préparez votre organisation à faire face à ce type de problèmes, qui sont souvent des situations de crise. L’essentiel consiste à stabiliser la situation. Il faut agir vite, voir et évaluer l'effet. Par exemple, des ruptures d'approvisionnement soudaines ou des incidents ayant un impact sur votre image de marque nécessitent des actions à court terme dont vous ne verrez les effets que plus tard. À des fins d'innovation, ce type de défis peut déclencher des actions à court terme dans des domaines inédits.
Les questions de réflexion pourraient-elles aider à détecter rapidement le type de problème auquel vous êtes confronté ?
Nous savons que la plupart des défis auxquels vous êtes confrontés, lorsque vous essayez de faire de l'économie circulaire une réalité, ne sont pas simples. La plupart du temps, ils ne sont pas compliqués, mais complexes. La bonne nouvelle, c'est que vous pouvez adopter une approche qui vous permettra de progresser en vous concentrant sur l'apprentissage et en développant des pratiques émergentes.
Nous considérons qu'une sensibilité croissante aux signaux et aux caractéristiques du problème à venir est un facteur de succès essentiel afin de mettre en place des activités de projets circulaires et de réaliser des progrès. Tant que nous sommes habitués à des problèmes simples, nous avons tendance à résoudre tous les défis à venir avec l'outil destiné à ces problèmes simples. Il s'agit d'un risque de « méconnaissance involontaire ». C'est la raison pour laquelle nous devons savoir si notre défi circulaire est simple (ou non).
Dans le schéma ci-dessus, nous comparons les systèmes simples (et compliqués) aux systèmes complexes. Apparemment, le tout est de reconnaître si le défi auquel vous êtes confronté présente les signes d'un problème complexe. Il est possible de formuler des questions de réflexion sur ces cinq caractéristiques. Voici quelques-unes des questions que les entreprises de pointe emploient :
- Voyez-vous des signes indiquant que l'effet d'une décision dépend d'interactions multiples ?
- L'effet pourrait-il être différent avec une intervention similaire ? Dans quelle mesure le résultat d'une action est-il prévisible ?
- Dans quelle mesure les modèles simplifiés sont-ils utiles ? Pouvez-vous définir les conditions annexes pour lesquelles le modèle revêt une utilité pratique ? Est-il difficile de définir les limites d'un modèle aussi simplifié ?
- Reconnaissez-vous les interactions externes (en dehors de l'équipe, de l'entreprise ou de la chaîne de valeur) qui affectent le système ?
- Dans quelle mesure avez-vous (en tant qu’individu) une influence sur le système ? Quel est l'impact effectif de votre comportement (p. ex. montrer l'exemple), de vos décisions et de votre communication ?
Comment pouvons-nous vous soutenir ?
Chez Sirris, nous aidons les personnes qui occupent diverses fonctions dans les entreprises à s'approprier la complexité de l'économie circulaire. Dans nos projets d'entreprise, nous avons fait l’expérience de la complexité et de l'importance de la manière d'aborder ce type de situations. C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à nous donner votre avis sur cet article. Le contenu est-il pertinent pour vous ? Les questions de réflexion vous aident-elles à définir votre approche ? Faites-le-nous savoir !
Tout comme vous, nous apprenons des autres, par exemple de Dave Snowden. Nous vous recommandons chaudement de regarder l'introduction plus détaillée du cadre Cynefin par son auteur dans cette vidéo YouTube de 8 minutes.