Decision making management

Cher CEO, et si vous deveniez Responsable de l’économie circulaire ?

Thomas Vandenhaute

Nous avons découvert comment la direction générale pouvait accélérer la transition vers une économie circulaire. La bonne nouvelle, c'est que cela n’exige pas de lourds investissements en temps ou en ressources. L'astuce consiste à reporter votre décision sur les investissements pour les initiatives circulaires. Cela peut sembler contre-intuitif, mais cette petite modification de votre processus décisionnel peut avoir un effet de levier et accélérer la transition vers l'économie circulaire. Jusqu'à présent, nous n'avons pas reçu de réactions de la part de dirigeants de niveau supérieur indiquant que cette approche n'était pas pratique ou réaliste.

La quasi-totalité des entreprises se heurtent à la complexité et aux incertitudes liées à l'exploration de l'entrepreneuriat circulaire. L'une des expressions les plus entendues de la part des membres du management intermédiaire est qu'ils ont besoin d'un « feu vert » formel de la part de la direction pour pouvoir lancer leurs projets circulaires. D'autre part, la direction générale est réticente à donner son feu vert lorsqu'aucune analyse de rentabilité ou de retour sur investissement n'est présentée.  

Voici comment, en votre qualité de directeur général, vous pouvez débloquer cette situation.

Ne tranchez pas aujourd’hui au sujet d'initiatives circulaires : reportez votre décision !

La prise de décisions (difficiles) est l’une des tâches de la direction. Lorsqu’elles adoptent l'économie circulaire, les entreprises entrent dans un environnement interconnecté très complexe. Vous pourriez percevoir cela comme un champ de mines ou comme une énorme source d'opportunités. Ces deux points de vue se valent. Il est judicieux de trouver un accord et d'exprimer explicitement le terrain d'entente pour tous les salariés (de haut en bas). Si vous n'êtes pas en mesure de prédire l'avenir, vous pouvez à tout le moins envisager un avenir souhaité pour votre entreprise. Ceci peut constituer un bon terrain d’entente. En votre qualité de directeur général, vous pouvez alors exprimer votre rôle de maîtrise et de gestion des risques et des incertitudes ; pour sa part, le rôle du management intermédiaire consiste à trouver des opportunités de création de valeur circulaire.

Une fois ce contexte établi, la direction générale peut faire office de caisse de résonance pour le management intermédiaire, en veillant à ce que les risques soient réduits chaque fois qu'ils présentent leur initiative. En pratique, lorsque des demandes de projets circulaires sont présentées au conseil d'administration, la direction de niveau supérieur ne doit pas encore décider de les accepter ou de les refuser ; elle doit identifier les risques qui doivent être étudiés plus avant. Le management intermédiaire peut ainsi améliorer son idée de manière itérative, l'amener à un concept, la laisser évoluer vers une démonstration de faisabilité, et ainsi de suite jusqu'à ce que les risques restants et la création de valeur potentielle débouchent sur un business case attrayant.

Exemple

Une entreprise manufacturière établie en Campine se sent interpellée par l'attention croissante portée à l'économie circulaire. Le management intermédiaire explore les concepts circulaires et a l'idée de prolonger la durée de vie des produits grâce à des contrats de service spécifiques et à une possibilité de rachat des produits à la fin de leur premier cycle de vie. Il existe une solide « intuition », reposant sur des données brutes et une expérience du marché, selon laquelle cette idée pourrait apporter une réelle valeur ajoutée à l'entreprise. Évidemment, il n'y a toujours pas de véritable business case. Néanmoins, le management intermédiaire soumet l'idée au conseil d'administration. Le conseil ne décide pas d'investir immédiatement dans cette idée. Il décide que des actions de suivi sont souhaitables et nécessaires pour améliorer l'idée, car de nombreuses incertitudes ont été identifiées.

Quels projets ou actions approuver ?

Comme expliqué ci-dessus, toutes les actions permettant de réduire le risque et les incertitudes liés aux initiatives circulaires peuvent être approuvées. C'est une bonne pratique de trouver des leviers pour d'autres valeurs lors de l'approbation des actions. Donnez la priorité aux actions qui contribuent à de multiples aspects de votre entreprise et de votre activité. Les contributions et les avantages peuvent être trouvés dans une variété d'aspects, par exemple : amélioration de la relation avec vos clients et les parties prenantes clés, amélioration de l'image de votre entreprise et de votre image de marque en tant qu'employeur, fourniture d'un accès aux données ou aux informations, meilleure compréhension des nouveaux marchés ou clients, mise en contact de votre entreprise avec l'utilisateur final, fourniture d'informations pour la R&D à partir de l'état de fin de vie du produit, élargissement ou le renforcement de votre réseau, augmentation de la résilience de vos processus d'entreprise, etc.   

L'entreprise de notre exemple pourrait choisir diverses actions de suivi. Dans ce cas précis, l'idée du contrat de service et de l'option de rachat a fait l'objet d'un travail de fin d’études. L'étudiant doit rassembler des informations supplémentaires et ouvrir la voie, identifier les risques et estimer les rendements potentiels. Ce faisant, le conseil d'administration pourrait limiter le risque de dépenser trop de ressources, tout en réduisant les risques et en apportant un nouvel éclairage à l'entreprise : acceptation du marché, disponibilité des données, implication des parties prenantes, etc. Le conseil d'administration est ainsi assuré de l'arrivée d'informations précieuses qui peuvent également être bénéfiques pour ses activités ordinaires.

Qu'est-ce que cela signifie en termes d'outils de décision ?

Aux premiers stades de l'exploration de l'économie circulaire, le retour sur investissement et les analyses de rentabilité ne sont pas bien adaptés. L’incertitude est trop grande pour prendre une décision. Par défaut, le business case sera basé sur des hypothèses quant aux valeurs et au comportement des clients.

Par conséquent, la direction générale doit être hypersensible aux solutions simples. Il n’existe pas de solutions simples à des problèmes complexes ou, s’il en existe, elles ne fonctionnent pas. Restez donc concentré sur la remise en question des hypothèses et trouvez des informations validées. Ceci n’est possible que par des étapes itératives (expériences, tests, etc.).

Veillez à ce que le processus reste léger et intégrez ce cycle de consultation (plutôt que la demande de décision) dans les structures décisionnelles existantes (réunion mensuelle du conseil, comité de direction, etc.). Trouvez des « outils » ou des formats avec lesquels le management intermédiaire est déjà familiarisé (matrice des opportunités/risques, SWOT, etc.). En fait, l'outil en lui-même importe peu : le véritable objectif consiste à créer un terrain d'entente où la direction générale et le management intermédiaire parlent la même langue, comprennent le point de vue de l'autre et savent comment présenter leurs idées.

Pour l'entreprise de notre exemple, aucun outil « prédéfini » n'a encore été sélectionné. Le processus d'exploration mettra en évidence le besoin d'outils de communication et d'évaluation de l’avancement. Il est très probable que les formats utilisés dans l'entreprise serviront de base.

Tout est question de confiance ; voici comment la (re)créer

Encouragez l'intrapreneuriat en exploitant pleinement les connaissances et les compétences existantes de vos salariés. Leurs contacts avec les clients, leur connaissance approfondie des produits, leur compréhension des chaînes d'approvisionnement, etc. constituent les bases pour aller de l’avant.

Créez un environnement de travail de confiance en accordant une attention réelle et inconditionnelle, et donc de l'empathie, lorsque les salariés présentent leurs idées circulaires. Les idées sont des occasions de progresser et, surtout, elles illustrent l'implication et l'engagement de vos collaborateurs. Lorsque la direction générale examine les idées de projets circulaires, essayez de comprendre la logique qui les sous-tend et les (nouvelles) connaissances sur lesquelles elles reposent. Acceptez qu’il vous soit possible d’apprendre de vos salariés. Il peut être utile de dissocier l'idée de la façon dont elle est présentée. Entraînez-vous à voir à travers l'emballage et à évaluer le cadeau.

Last but not least, des différences de perspective se feront jour. Les perspectives dépendent de votre point de vue, ce qui signifie qu'elles ne sont ni bonnes ni mauvaises, mais seulement différentes. Accepter toutes ces différences est essentiel pour que tous les salariés puissent rester authentiques.

Revenons à l'entreprise de notre exemple : le conseil d'administration s'est montré ouvert à l'examen de la nouvelle idée et, surtout, n'a pas ignoré ou refusé de l'explorer. Cela signifie que le savoir-faire des propriétaires des idées est reconnu. De plus, ces personnes sont soutenues en recevant des ressources supplémentaires (sous la forme d'un étudiant), ce qui les aide à faire passer cette idée à un niveau de maturité supérieur. Ceci fournit une perspective et une impulsion à la fois au management intermédiaire et aux membres du conseil d'administration.  

Résumé : que retenir pour devenir Responsable de l’économie circulaire ?

  • Créez un terrain d’entente dans votre entreprise et rendez-le explicite.
  • Réduisez progressivement l'incertitude en permettant à de petits projets circulaires de passer de manière itérative d'une idée à une démonstration de faisabilité, et finalement à un business case attrayant.
  • Concentrez-vous sur les effets de levier pour les autres valeurs lors de l'approbation des actions.
  • Remettez en question les hypothèses et trouvez des informations validées.
  • Intégrez les étapes itératives et leur évaluation dans les structures décisionnelles existantes.
  • Créez un environnement de travail de confiance en accordant une attention réelle, et donc de l'empathie, lorsque les salariés présentent leurs idées circulaires. Acceptez d'apprendre, vous aussi.

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