Transformation en Human Centered Organisation

Le rôle crucial de l’humain dans la Factory of the Future

Un bon leadership peut transformer votre entreprise au-delà des avantages sociaux

Au travers du programme Make the Future, Agoria et Sirris vous guident pas à pas pour faire de votre entreprise la Factory of the Future. Ce programme est axé sur sept transformations essentielles à cette reconnaissance. Dans cette série, un expert nous aide à décrypter chaque transformation. Aujourd’hui, Robrecht Janssens nous apporte son éclairage sur la transformation en Human Centered Organisation.

Robrecht Janssens, , Expert Labour Organisation chez Agoria 

L’usine, bien plus que des robots

Bonjour Robrecht, qu’implique la transformation en Human Centered Organisation ?

Robrecht Janssens : « Lorsqu’on évoque les usines du futur, le grand public pense directement aux robots, mais ils ne sont qu’un élément d’un ensemble bien plus vaste. Les vidéos de petits AGV assurant le traitement des commandes dans les entrepôts peuvent induire en erreur, car elles confondent logistique et production. Or, de nombreuses tâches nécessitent encore l’intervention humaine dans l’industrie manufacturière. Chez Agoria et Sirris, nous sommes donc convaincus que l’humain restera indispensable dans les Factories of the Future, mais que son rôle évoluera.

Dans notre vision, une Human Centered Organisation est une organisation qui s’efforce d’offrir aux collaborateurs de production un emploi stimulant, passionnant et varié, avec la plus grande valeur ajoutée possible. Il peut s’agir de tâches de contrôle des processus, par exemple, mais aussi d’activités spécialisées ou de tâches sur mesure plus difficiles à automatiser, ou pour lesquelles l’adaptation des machines standard est trop complexe.

En Belgique, nous misons résolument sur les collaborateurs et ce, pour une excellente raison. Depuis des décennies, notre pays est confronté à un problème de coûts salariaux. Notre productivité est soumise à une pression de plus en plus forte. L’attention s’est ainsi tournée vers la place des travailleurs dans l’histoire industrielle. Nous sommes convaincus que les travailleurs continueront à jouer un rôle essentiel dans l’industrie belge de demain, mais leurs tâches et compétences évolueront. » 

Les six piliers d’une transformation réussie

Notre transformation en Human Centered Organisation aborde ces défis de manière méthodique, à travers six axes thématiques :

1. Tâches et missions : comment accroître la valeur ajoutée des interventions humaines ?
2. Développement personnel et professionnel : comment permettre aux collaborateurs d’évoluer avec l’entreprise ?
3. Santé, sécurité et bien-être : comment mettre fin au surmenage physique et mental ?
4. Management et leadership : comment les dirigeants peuvent-ils instaurer une vision claire et susciter l’engagement ?
5. Transparence sur la vision et la stratégie : les collaborateurs comprennent-ils comment ils contribuent à l’avenir de l’entreprise ?
6. Culture d’entreprise et valeurs : les valeurs partagées sont-elles un vecteur de motivation et d’innovation ?

Comment s’opère la transformation dans la pratique ?

Robrecht Janssens : « Dans la Factory of the Future, le processus opérationnel est primordial, mais il ne faut pas négliger l’importance des collaborateurs. Dans nos ateliers et programmes d’accompagnement, nous aidons les entreprises à rendre leurs processus plus efficaces, plus flexibles et plus orientés client, en tenant compte de la sécurité et la qualité.
Les fonctions évoluent grâce à la numérisation et l’automatisation. Les opérateurs jouent de plus en plus un rôle de coordination et d’analyse, exigeant de nouvelles compétences et une implication active dans le changement.

Le résultat est parfois surprenant. Il est par exemple possible qu’une fonction purement exécutive devienne une fonction de coordination. Les machines peuvent commencer à collaborer davantage entre elles dans une cellule de production intégrée et l’opérateur peut alors se voir confier un rôle de coordination ou être chargé de la maintenance préventive. Il faut donc faire preuve de réflexion, comprendre ce qui se passe. L’expérience est essentielle pour comprendre ce que font les machines et analyser si leurs actions sont appropriées. La fonction évolue, mais les compétences aussi.  

Vos collaborateurs doivent donc s’investir pleinement, sans quoi la numérisation et l’automatisation perdent de leur intérêt. À l’heure actuelle, les produits se déclinent souvent en une multitude de variantes. Les clients adorent la personnalisation, mais les adaptations prennent du temps, et le rôle d’un planning efficace ainsi que transparent devient alors crucial pour savoir quelle variante doit être produite à quel moment. En conclusion, les entreprises manufacturières qui peuvent réussir durablement en Belgique sont celles qui privilégient la réflexion de leurs opérateurs avant l’utilisation des machines. »  

Comment permettre aux collaborateurs d’évoluer avec l’entreprise ?

Robrecht Janssens : « La communication transparente et l’implication aident les collaborateurs à voir le changement comme une opportunité, et non comme une menace. Les entreprises performantes expliquent clairement à leurs collaborateurs :

• Pourquoi : quelle est la vision à plus long terme ? Quelles sont nos ambitions pour l’entreprise ? Quel impact notre entreprise veut-elle avoir ? 
   
• Comment : quels sont les processus importants et déterminants ? Quels indicateurs de performance constituent réellement des indicateurs essentiels ? (Petit conseil : limitez-vous à trois indicateurs essentiels que le collaborateur peut réellement maîtriser.) 
   
• Quoi : quelles actions et opérations dois-je garantir ? Comment puis-je m’assurer que le processus se déroule bien ? Quels processus dois-je gérer ? » 

Une évolution, pas une révolution

Est-ce donc une question de gestion du changement ?

Robrecht Janssens : « Oui, mais je ne l’appellerais pas comme ça, car le terme “changement” suscite souvent de la résistance. Les principaux leviers sont la communication et le leadership. Les entreprises qui expliquent clairement les choses à leurs collaborateurs parviennent généralement à les faire avancer étape par étape dans la bonne direction. Une approche par projet ne garantit toutefois pas un processus sans heurts. Le changement est souvent difficile, et c’est tout à fait compréhensible.

Nous ne sommes pas faits pour la révolution, mais pour l’évolution. Prenez donc le temps d’expliquer à vos collaborateurs pourquoi certains changements sont nécessaires, comment le processus opérationnel fonctionnera et ce que cela signifie pour leur emploi : quelles seront leurs nouvelles responsabilités, les compétences dont ils auront besoin et comment vous allez les aider à les acquérir. »

Vous devez donc impliquer vos collaborateurs dès le début du processus ?

Robrecht Janssens : « Exactement. N’hésitez pas à demander à vos opérateurs comment ils abordent concrètement les choses : que font-ils ou ne font-ils pas ? En quoi consiste leur fonction aujourd’hui et quelles sont les différentes actions ? Évaluez les compétences requises pour les nouvelles tâches : faut-il améliorer le leadership ou la communication interne ?  

En résumé, l’objectif est de multiplier les angles d’approche pour miser sur la pluridisciplinarité. Il est vrai qu’un ingénieur peut accomplir certaines tâches plus rapidement qu’un opérateur, surtout en ce qui concerne les améliorations. Ce n’est pas le tout d’installer des capteurs de données sur vos machines pour permettre aux opérateurs de prendre de meilleures décisions. Si vous ne parvenez pas à les convaincre d’utiliser leur tablette, par exemple, parce que votre gestion du changement, votre communication interne ou votre style de leadership sont dysfonctionnels, votre avancée ne mènera à rien. » 

Le leadership est-il la clé ?

« Avec la communication interne, le leadership est le quatrième élément de cette question. Dans une organisation, on trouve plus souvent des supérieurs hiérarchiques que des leaders, alors que cela devrait être le contraire. Le leadership consiste à influencer les autres, et j’espère qu’un ingénieur de projet en est également capable, tout comme un technicien de maintenance, par exemple. En effet, si vous parvenez à sensibiliser les opérateurs à l’importance de la maintenance préventive, vous réduisez les besoins de réparation. Ce type d’influence et d’impact constitue également une forme de leadership.  

Dans une Human Centered Organisation, les pratiques et la culture se diffusent de haut en bas, et chaque niveau de l’entreprise s’inspire du niveau supérieur. La première étape consiste donc à faire en sorte que l’équipe de direction adhère à cette vision, et à faire comprendre au responsable d’usine ou de production que l’usine du futur se construira avec les collaborateurs qui peuvent devenir un catalyseur de changement, et même la clé de la transformation. »

Trois conseils concrets pour une Human Centered Organisation

Quelles sont, selon vous, les trois clés pour bâtir une Human Centered Organisation ?

Robrecht: 

1. Introspection : dans quelle mesure votre organisation est-elle axée sur les personnes ?
    
2. Implication précoce des collaborateurs : invitez-les à vous faire part de leurs expériences et idées.
    
3. Investissement dans la communication : la transparence suscite la confiance et l’engagement.

Conclusion

Les entreprises qui investissent dans une Human Centered Organisation se construisent un avenir solide et innovant. Les collaborateurs impliqués contribuent à accroître la flexibilité et la compétitivité de l’entreprise.