Un système de peinture « plasmonique » innovant utilise des nanoparticules pour créer des couleurs structurelles sans besoin d’ajouter des pigments. Le système utilise moins de produit et conserve les couleurs plus longtemps. Il est plus écologique, plus léger et moins cher que les peintures classiques.
Les peintures d’aujourd’hui doivent leurs couleurs spécifiques à la présence de molécules de pigments. Elles absorbent certaines longueurs d’onde de lumière et en réfléchissent d’autres. Des chercheurs de l’Université Central Florida ont développé un tout nouveau type de peinture inspirée des ailes de papillon. Ces peintures dites plasmoniques utilisent des nanoparticules pour créer différentes couleurs sans ajouter le moindre pigment.
Le principal inconvénient des peintures classiques est que chaque nouvelle couleur requiert un nouveau pigment. De plus, certains pigments sont rares ou toxiques, comme par ex. le très populaire bleu de cobalt, un mélange d’oxydes de cobalt et d’aluminium qui peut être nocif en cas d’absorption ou d’inhalation.
Nano-système plasmonique
Dans leur recherche d’une alternative non toxique, les chercheurs se sont inspirés des ailes de papillon, qui ont la propriété de présenter une coloration structurelle. Cela signifie que l’agencement géométrique de particules incolores génère différentes couleurs par réflexion, diffraction et absorption de la lumière. La nouvelle peinture utilise le même principe avec des nanoparticules d’aluminium et d’oxyde d’aluminium pour créer un nano-système plasmonique qui permet de manipuler la lumière de façon inédite.
Les chercheurs ont créé le matériau de base en tapissant un miroir avec des nanoparticules. La distance entre les particules détermine la façon dont elles interagissent avec la lumière, et donc la couleur perçue par l’œil humain. Pour traduire ces surfaces en peinture, l’ensemble de la structure a été étalée sur une couche sacrificielle, puis enlevée et pulvérisée. On obtient ainsi un pigment fortement réfléchissant à base de particules plasmoniques, qui sont ensuite mélangées avec un liant du commerce.
En haut : exemple de mécanisme de coloration structurelle sur les ailes du papillon péruvien Morpho Didius. Des nanostructures lamellaires tapissant les ailes dispersent les composantes bleues de la lumière incidente, ce qui produit cette belle couleur bleue métallique. En bas : Une cavité plasmonique à l’échelle de sous-longueur d’onde (sur la surface d’un papillon en métal) formée par autoassemblage de nano-îlots métalliques au-dessus d’un miroir recouvert d’un film d’oxydes génère une couleur en absorbant sélectivement certaines longueurs d’onde et en réfléchissant fortement certaines autres (source : University of Central Florida).
La technologie produit des résultats reproductibles : les particules d’aluminium sont formées par un mécanisme sensible à la température et la pression, qui utilise un faisceau d’électrons (« e-beam ») sous un vide poussé pour créer une couche mince par évaporation. Le processus de formation de la surface plasmonique est compatible avec n’importe quel substrat et en assume les propriétés de dispersion de la lumière.
(A) Particules d’aluminium auto-assemblées sur une couche intermédiaire d’oxyde d’aluminium posée sur un miroir d’aluminium. Longueur d’onde de cupules de résonance plasmonique et tailles des particules.
(B) Images par microscopie électronique à balayage (MEB) de 3 échantillons de couleurs jaune, magenta en cyan.
(C) Histogramme des dimensions des particules dérivé des images MEB : les diamètres des particules sont calculés en supposant une sphère de surface équivalente.
(source : University of Central Florida)
Avantages
La couleur des peintures classiques s’estompe avec le temps car les molécules de pigment perdent la propriété d’absorption des photons. Les peintures à nanoparticules n’ont pas ce problème car elles ne changent pas avec le temps, mais continuent de diffracter la lumière de la même façon, quel que soit l’angle d’incidence. Lorsqu’une surface est recouverte d’une peinture structurelle, la couleur reste intacte et éclatante, en principe pour toujours. Les surfaces colorées sont également élastiques et flexibles.
Les couleurs structurelles sont plus écologiques que les couleurs classiques à base de pigments car elles utilisent uniquement des métaux et des oxydes, et pas de molécules artificielles. De plus, la très grande légèreté de la peinture – liée à un rapport surface/épaisseur très élevé – réduit les quantités nécessaires pour une tâche donnée : une coloration complète s’obtient avec une couche de seulement 150 nm d’épaisseur. On estime par ex. que pour peindre un Boeing 747 il faudrait moins de 1,5 kg de peinture plasmonique, alors que cela nécessite normalement plus de 450 kg de peinture ordinaire.
Autre différence notable : étant donné que la peinture plasmonique réfléchit tout le spectre infrarouge, elle absorbe moins de chaleur et le matériau sous-jacent est environ 15°C plus froid qu’avec une peinture commerciale. Cette propriété permettrait de faire des économies d’énergie pour la climatisation, notamment dans les secteurs du bâtiment et du transport.
L’avenir
Le développement des nanostructures plasmoniques ouvre la porte à toutes sortes d’applications et de marchés potentiels. L’équipe de chercheurs prévoit de continuer d’étudier les possibilités d’économies d’énergie avec la peinture et veut démontrer la viabilité commerciale du produit. Pour l’instant, la peinture plasmonique est produite uniquement en petits lots au laboratoire, alors qu’une peinture commerciale doit être produite dans des quantités bien supérieures.
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