Pour les entreprises manufacturières, l'optimisation des activités logistiques au niveau de la production est un facteur important pour garantir leur compétitivité. La logistique de la production comprend toutefois divers aspects secondaires. Nous nous intéressons ici de plus près aux différents défis et aux solutions possibles dans le cadre de l’agencement de l'atelier de production, le « shop floor ».
Agencement de l'atelier de production : héritage historique
Le concept d’agencement de l'atelier de production recouvre généralement le placement des machines, des postes de travail, des entrepôts, des services d'entretien et des locaux utilitaires. Dans la plupart des entreprises manufacturières, cet agencement a connu une croissance historique. De nouvelles machines ont été placées là où (à l'époque) il y avait de la place ; les entrepôts ont été adaptés/élargis au fil de l’évolution de la gamme de produits, etc. Pour un grand nombre d'entreprises manufacturières, cela s'est traduit par un agencement qui n'est plus optimal pour l’état actuel de la production. Ce constat ressort également clairement de l'enquête. Plus de la moitié des répondants ont indiqué que l’agencement actuel était loin d'être optimal (trop peu d'espace, flux illogiques, etc.), ce qui pèse sur l'efficacité de la production. De nombreuses entreprises prévoient donc une optimisation et/ou une extension de la production (et de leurs entrepôts) à court terme (horizon de 5 ans).
Il est possible d’identifier quelques symptômes typiques d’un agencement sous-optimal :
- Délais longs et souvent imprévisibles
- Files d'attente devant les machines et les postes de travail (nombreux « Work In Process » - WIP)
- Routages complexes et longues distances de transport entre les étapes de production
- Nombreux croisements de flux de marchandises
- Manque d'espace à certains endroits
- Recours intensif aux chariots élévateurs (ou autres activités logistiques)
- Absence d'un réseau structuré de couloirs
- ...
La révision de l'agencement de l'atelier de production peut apporter un certain nombre d'avantages : flux plus fluides, meilleure utilisation de l'espace disponible, réduction des temps d'installation et des délais, réduction des coûts de manutention, réduction des coûts liés aux défaillances et aux inspections, sécurité accrue, etc. Toutefois (et c’est peut-être encore plus important), cela peut également garantir plus de tranquillité sur le lieu de travail et moins de frustration chez les opérateurs (moins de déplacements, de recherches, etc.).
Si, après une analyse approfondie de la production, on arrive à la conclusion qu'un réaménagement de l'atelier de production apportera une valeur ajoutée claire, on peut se mettre au travail. Cependant, la difficulté d'améliorer l’agencement vient souvent du fait que les avis divergent au sein de l'entreprise quant à l’agencement idéal. Une méthode structurée permet d'éviter des discussions interminables. Nous la partageons avec vous :
Étape 1 : Nettoyage de l'agencement actuel
Le manque de place est un facteur souvent cité pour la révision de l'agencement (« Nous ne pouvons pas placer nos matériaux près des machines », « Notre entrepôt est trop petit pour stocker les produits finis », « Nos chariots élévateurs ne peuvent pas circuler, parce que les matériaux bloquent le passage », etc.). Il n'est pas rare qu’on envisage d’agrandir l’atelier de production et/ou l'entrepôt. Il importe de comprendre qu'une telle extension ne produira pas nécessairement les avantages escomptés, à moins d’effectuer au préalable une analyse critique de la situation actuelle. Première question importante : l'espace actuel ne pourrait-il pas être utilisé plus efficacement ? La technique du « red tagging » peut être une première étape pour libérer de l'espace. Cette technique implique que les opérateurs sur le terrain identifient les matériaux, les composants, etc. qui ne sont pas à la bonne place ou qui ne sont plus nécessaires. Pendant un certain temps (p. ex. 1 semaine), les opérateurs peuvent coller des étiquettes rouges (« red tags », voir figure ci-dessous) sur les matériaux et les composants dont ils estiment qu'ils ne sont plus nécessaires ou qui se trouvent au mauvais endroit. Un groupe restreint (p. ex. le responsable de la production et le magasinier) passe régulièrement en revue les composants et les matériaux étiquetés afin de déterminer si cette « red tag » doit rester en place ou être retirée. Les composants qui portent encore une « red tag » après un certain temps sont placés dans une zone distincte. Pour ces composants, on déterminera s’ils doivent être déplacés vers une autre zone ou s’ils doivent être éliminés (donnés ailleurs, mis en vente ou mis au rebut). L'expérience acquise lors de tels exercices montre que l'on peut vite gagner jusqu'à 20% d'espace. Un atelier qui a fait place nette est un bon point de départ pour optimiser l'agencement.
Red tagging
(Source : Sirris)
Étape 2 : Liste des points sensibles (agencement actuel) et des attentes (nouvel agencement)
Avant de se concentrer sur les attentes relatives au nouvel agencement, il est judicieux de se focaliser sur les points sensibles de l’agencement actuel (par exemple, la machine X a trop peu de place, l'allée est trop étroite, ce qui rend l'approvisionnement et l'évacuation difficiles, le flux de la famille de produits Y est illogique et entraîne de longues distances, etc.). Ces points sensibles peuvent servir de fil conducteur pour dresser la liste des attentes concernant le nouvel agencement. Veillez à passer cette phase en revue avec les opérateurs de production. Il est en effet beaucoup plus facile de changer l’agencement de la production s’il est soutenu par les salariés. Divisez immédiatement les attentes en « must » et « nice to have » pour éviter des discussions sans fin dans les phases suivantes. L'établissement d'un diagramme « spaghetti » permet d'avoir une idée précise des différents flux (personnes, matériaux, moyens de transport, etc.) sur le site de production et des éventuels goulets d'étranglement.
Diagrammes spaghetti simplifiés avec indication des flux principaux et secondaires(Source : Sirris)
Au cours de cette phase, il convient aussi d’énumérer les critères (et les facteurs de pondération associés) qui seront utilisés pour évaluer les différents concepts d’agencement. Voici quelques critères typiques : flux optimal, distances de transport et de marche, utilisation de la surface, sécurité et ergonomie, potentiel d’avenir, durabilité et coût.
Étape 3 : Élaborer des alternatives
Des concepts alternatifs pour le nouvel agencement peuvent être élaborés progressivement. Dans cette phase aussi, il est judicieux d'impliquer plusieurs collaborateurs (p. ex. de différents départements). Bien que nous vivions à l'ère du numérique, le travail sur papier est la méthode la plus facile (et la plus accessible). Dans ce contexte, on part du plan de l'atelier de production et des blocs par machine/département/poste de travail/etc. (la taille des blocs représente l'espace requis). Sur le plan, on peut indiquer les « contraintes dures » (p. ex. une machine ancrée au sol qui ne peut pas être déplacée, un système d'extraction, etc.). On peut ensuite générer des concepts alternatifs en déplaçant les blocs. Pour recueillir les données d'un groupe plus important, le plan et les blocs de construction peuvent par exemple être placés dans le réfectoire. Pendant la pause de midi, les collaborateurs peuvent agencer le « puzzle » à leur guise. Prévoyez une feuille sur laquelle les opérateurs peuvent expliquer brièvement leur raisonnement (pourquoi font-ils certains choix). Veillez à prendre une photo de chaque alternative et de son explication afin d’éviter de perdre des concepts.
L'équipe centrale attribue ensuite un score aux différents concepts. Si de nombreuses alternatives ont été élaborées, un premier filtre grossier peut déjà être utilisé pour ramener leur nombre à cinq propositions qui peuvent être évaluées de façon plus détaillée. Des combinaisons de concepts permettent de regrouper les meilleures propositions. Si nécessaire, des calculs, des simulations limitées, etc. peuvent être réalisés pendant la phase d'évaluation.
Concepts d'agencement alternatifs, établis sur le plan de l'atelier de production (Source : Sirris)Étape 4 : Mise en œuvre
Une fois que le concept final a été défini, la mise en œuvre du plan peut débuter. Ne sous-estimez pas l'impact d'un réaménagement sur les activités quotidiennes (éventuels travaux de démolition, fondations, déplacement de machines, etc.). Il est indispensable de disposer d’un plan de projet avec des jalons et des échéances. Une période plus calme (p. ex. en cas de saisonnalité) ou une fermeture collective (p. ex. pendant les vacances) est le moment idéal pour effectuer des travaux plus importants. Veillez aussi à prévoir la flexibilité nécessaire pour faire des ajustements ultérieurs en cas de besoin. Il est en effet utopique de penser aboutir à un agencement parfait.
Lors de la mise en œuvre du nouvel agencement, les conseils suivants pourront sans aucun doute vous être utiles :
- Prévoyez une représentation visuelle de l'atelier de production (en utilisant des marques de couleur, des symboles, etc.).
- Indiquez clairement les voies de circulation et de transport et évitez que les allées ne deviennent trop étroites.
- Utilisez des zones d'entrée et de sortie bien définies aux postes de travail, aux lignes de production, etc.
- Prévoyez un entrepôt séparé (celui-ci sera aussi abordé dans le prochain blog de cette série)
- L'ordre et la propreté sont importants (lean manufacturing - 5S). Prévoyez une zone bien délimitée pour les déchets.
- Dans tous vos choix, la sécurité doit être un facteur essentiel !
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