« Attendre sur le banc de touche n'est plus une option »
Dans son nouveau livre intitulé « Co-Intelligence: Living and Working with AI » (qui est déjà un best-seller du New York Times à peine un mois après sa sortie !), E. Mollick appelle chacun d'entre nous à envisager l'IA comme un collègue/assistant à part entière. Sa vision de l'avenir repose sur quatre scénarios possibles qui, cependant, aboutissent tous à la même conclusion à court terme : « L'IA n’est pas près de disparaître... et les entreprises doivent elles aussi entrer dans cette nouvelle ère. De préférence dès aujourd'hui plutôt que demain. »
Le professeur américain Ethan Mollick, orateur principal de notre événement AI:Unboxed du mercredi 29 mai 2024, est maître de conférences en innovation et en entrepreneuriat à la Wharton School, l'école de commerce de renommée mondiale de l'université de Pennsylvanie. L'un de ses chevaux de bataille est l'impact de l'intelligence artificielle (IA) sur divers aspects de notre travail et de notre vie : un domaine dans lequel il est considéré comme un leader d'opinion mondial grâce à des recherches empiriques approfondies et à de nombreuses publications dans des médias de premier plan.
Durant notre événement AI:Unboxed Ethan Mollick fera le point sur l'état actuel de l'intelligence artificielle à l'aide d'exemples et de démonstrations en direct. Qu'est-ce que les agents d’IA et comment pouvez-vous les utiliser dans votre entreprise ? Pourquoi l'IA générative (GenAI) change-t-elle à ce point la donne pour de nombreux emplois ? Qu’est-ce que cela signifie très concrètement pour une entreprise lorsque les travailleurs commencent à utiliser l'IA ? Ou, à un niveau plus macroéconomique, comment tous ces développements affecteront-ils notre relation à l'emploi et au travail en général ? Avec plus de 1 300 inscriptions, l'événement affiche complet. En guise d'introduction, voici les réponses de M. Mollick à certaines des questions que nous avons pu lui poser lors d'un bref appel vidéo, ainsi que trois conseils pour obtenir l'adhésion de vos collaborateurs!
Récemment, sur Reddit, une discussion très animée a porté sur un post publié par une personne qui a écrit : « Savez-vous quel est le plus gros problème avec l'IA et la manière dont la technologie est imposée aujourd'hui ? La mauvaise direction. J'aimerais que l'IA fasse ma lessive et ma vaisselle pour que je puisse davantage me consacrer à l'art et à l’écriture, et non que l'IA prenne en charge ces tâches créatives et que je doive continuer à faire ma lessive et ma vaisselle moi-même. » En d'autres termes, certaines personnes ont surtout peur. Leurs craintes sont-elles justifiées ?
Ethan Mollick : D'une certaine manière, je peux comprendre ces craintes, car jamais auparavant dans l'histoire nous n'avons automatisé massivement des tâches créatives ou intellectuelles. Aujourd'hui, le moment est arrivé et le fait que nous ignorions quelles en seront les conséquences plonge certaines personnes dans l’incertitude. Mais en même temps, je veux nuancer... L'IA ne consiste pas du tout à « choisir une direction », comme si ce choix allait exclure toutes les autres possibilités. Bien au contraire. En tant qu'humains, nous sommes toujours aux commandes.
Nous sommes à l'aube d'une nouvelle ère passionnante, faite de nouvelles technologies et opportunités. Et nous avons la liberté de choisir. Nous pouvons décider d'utiliser l'IA de manière ciblée, principalement pour des tâches que nous n'aimons pas accomplir nous-mêmes ou qui nous pèsent. Cela nous donne justement la possibilité de consacrer plus de temps à des choses pour lesquelles nous sommes doués et qui nous passionnent. Pour rester dans l'analogie avec l’art : ce n'est pas parce que l’IA génère de plus en plus d'œuvres que vous ne pouvez plus vous adonner à l’art. Au contraire, l'IA peut vous aider à explorer de nouvelles (meilleures ?) formes d'art, par exemple, ou à créer un site web qui vous aidera à vendre vos œuvres, etc. Un certain optimisme règne quant au fait que l'IA améliorera la créativité et la productivité humaines plutôt que de les remplacer. D'ailleurs, ne surestimez pas non plus les capacités de l’IA générative. C’est une technologie en développement. Pour la plupart des tâches créatives, le niveau actuel de la GenAI par rapport à celui des humains se situe quelque part dans le percentile 50 à 80. Cela va encore s'améliorer – nul ne sait à quelle vitesse – mais l'humain n'est certainement pas encore hors jeu.
Intéressons-nous à présent au monde du travail... À l'avenir, il y aura, d’une manière ou d’une autre, un chevauchement entre presque tous les emplois et les capacités de l'IA, semble-t-il. Comment les entreprises peuvent-elles favoriser une culture qui intègre à la fois les capacités humaines et la puissance de l'IA, de sorte que les travailleurs se sentent soutenus, plutôt que menacés, par cette technologie ?
Ethan Mollick : Le fait qu’il y ait un chevauchement entre un emploi et les capacités de l'IA ne signifie pas nécessairement que cet emploi sera remplacé par l’IA. En fait, chaque emploi se compose de différentes tâches, et l'IA est avant tout un outil fantastique pour aider le travailleur à effectuer des tâches spécifiques afin qu'il puisse accorder plus d'attention à d'autres pour lesquelles l'IA n'est pas ou moins adaptée. Mon propre métier, à savoir professeur dans une école de commerce, occupe la 22e place dans le classement des emplois où le chevauchement avec les capacités de l’IA est le plus important. Pourtant, je ne suis pas inquiet. Au contraire, je suis heureux que l'IA m’aide à effectuer des tâches qui me prennent aujourd'hui énormément de temps et qui ne contribuent pas réellement à ma satisfaction au travail ou à ma productivité. Des tâches administratives, par exemple, alors que je préfère de loin m'occuper de mes étudiants.
Je recommanderais aux employeurs d'aborder l'IA de cette manière et de la promouvoir en interne sous cet angle. Elle ne doit pas être envisagée comme un substitut au travailleur humain ou comme une occasion de réduire les coûts, mais plutôt comme un instrument permettant de libérer du capital humain, afin que ces précieux cerveaux puissent être utilisés plus efficacement et contribuer davantage à la croissance de l'organisation. Si vous êtes transparent à ce sujet et que vous jouissez de la confiance de vos collaborateurs, ce message ne manquera pas d'être entendu. Dans le cas contraire, eh bien... il deviendra alors très difficile de dissiper la méfiance.
Une politique claire en matière d'IA peut-elle aider ?
Ethan Mollick : La confidentialité des données et la protection des secrets commerciaux sont en effet des préoccupations majeures pour de nombreuses entreprises. Cependant, elles ne doivent pas conduire à une anxiété paralysante. En effet, la seule façon pour un système d'IA de s'entraîner sur vos données et de vous apporter ainsi une réelle valeur ajoutée en tant qu'entreprise, c'est de lui donner accès à ces données. La plupart des fournisseurs de solutions d'IA offrent des garanties en matière de confidentialité, de sorte que cette question (quels outils sont autorisés ou non) peut être abordée au niveau de l'entreprise.
Une politique en la matière pour les collaborateurs individuels doit avant tout fournir un cadre stimulant permettant d’expérimenter l'IA. Elle peut par exemple contenir des règles éthiques, à condition qu'il s'agisse de règles claires formulées dans des termes explicites. Une politique qui se contente de dire en termes généraux ce qui n'est pas autorisé et quelles sont les sanctions en cas de transgression me semble plutôt contre-productive.
Il existe aujourd'hui sur le marché de nombreux outils d'IA gratuits ou tout à fait « abordables », qui permettent aux start-ups et aux petites entreprises de se développer plus rapidement. Cela a-t-il des conséquences pour les entreprises établies ?
Ethan Mollick : Absolument. De nombreuses entreprises traditionnelles seront confrontées, dans leur secteur, à de nouveaux concurrents qui disposent de beaucoup moins de capital humain, mais qui comblent cette lacune en faisant un usage intelligent et intensif de l'IA. Cette tendance est déjà amorcée et ne fera que s'accélérer. Toutefois, cela ne signifie pas que les entreprises traditionnelles sont reléguées au second plan. Elles ont elles aussi intérêt à prendre le train de l'IA et à en récolter les fruits. Elles bénéficient d’un avantage certain sur les nouveaux acteurs, car elles ont déjà une plus grande envergure et des liens étroits avec le monde et avec leurs clients. Mais il est dès lors impératif pour ces opérateurs historiques d'apprendre à un maximum de collaborateurs à travailler avec l'IA aussi efficacement que possible et, ainsi, de continuer à se développer. Il ne s’agit donc nullement d’utiliser l’IA comme motif de réduction des coûts.
Dans votre nouveau livre, vous décrivez quatre scénarios possibles pour l'avenir de l'IA, allant d'une interruption immédiate de tous les développements de l'IA à un nouveau monde futuriste contrôlé par un « Dieu-machine » artificiellement intelligent. Entre les deux, l’on retrouve un scénario dans lequel les capacités de l'IA continueraient à croître de manière exponentielle et un autre prévoyant une croissance plus lente, plutôt progressive. Lequel vous semble le plus réaliste et quelle conclusion dois-je tirer en tant que chef d'entreprise ?
Ethan Mollick : J'envisage l'un des deux scénarios les moins extrêmes. Le premier, consistant en l’arrêt immédiat, ou même en un ralentissement, des développements de l'IA, me semble presque impossible d'un point de vue purement pragmatique. Le génie est sorti de la bouteille et les modèles existants, souvent en open source, deviennent de plus en plus puissants. Il ne serait d'ailleurs pas souhaitable d'essayer d'arrêter cette évolution, compte tenu des solutions étonnantes que l'IA peut potentiellement offrir à l'humanité.
La plausibilité de l'autre scénario extrême, celui du Dieu-machine, est difficile à évaluer avec précision à l'heure actuelle, car il est clair que l’on ne sait pas encore où la technologie s’arrêtera. Je parle très souvent avec des développeurs d'IA qui travaillent très sérieusement à une intelligence artificielle générale (IAG, une forme hypothétique d'intelligence artificielle qui serait capable d'effectuer avec succès n'importe quelle tâche intellectuelle qu'un humain peut accomplir). La moitié d'entre eux estiment qu'ils y parviendront dans un avenir proche ; l'autre moitié n'en est pas encore véritablement convaincue. Nous n’en avons tout simplement aucune idée.
Je pense donc que nous nous dirigeons probablement soit vers un développement exponentiel de l'IA, soit vers une croissance plus lente et progressive. Pour un chef d'entreprise, cela signifie en fait la même chose dans les deux cas : « Il ne reste vraiment plus assez de temps pour se permettre d’attendre passivement sur le banc de touche. Explorez les possibilités de l'IA dès aujourd'hui plutôt que de remettre cela à demain, considérez-la comme une formidable occasion de rendre vos processus et votre personnel plus efficaces, de découvrir de nouvelles opportunités et, en tant qu'entreprise, d'être à l'avant-garde de ce nouveau monde.
Qui est Ethan Mollick?
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Comment obtenir l'adhésion de mes collaborateurs ? Trois conseils !In zijn nieuwe boek ‘Co-Intelligence: Living and Working with AI’ schrijft Ethan Mollick dat de beste manier voor een bedrijf om voordeel te halen uit AI, erin bestaat om de meest gevorderde gebruikers in te schakelen als ambassadeurs, en tegelijkertijd een groter aantal werknemers aan te moedigen om AI te gebruiken. Drie tips:
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Cet article a également été publié sur le site web d'Agoria.
Écrit par Carine Lucas (Agoria).