Désavantagé en termes d’énergies renouvelables, Singapour relève ses défis | Partie 2

Article
Pieter Jan Jordaens

Retour sur le 23e General Meeting and Singapore Forum 2023 de l’IERE

Le 23e General Meeting and Singapore Forum de l’IERE, co-organisé par Engie, s’est déroulé à Singapour du 21 au 24 novembre 2023. Son thème principal était « Accélérer la transition énergétique vers la neutralité carbone pour l’industrie et les territoires ». Pieter Jan Jordaens, expert en transition énergétique chez Sirris, était présent à la fois comme orateur et comme participant. Dans cet article, nous abordons le cas de Singapour, un petit pays confronté à plusieurs défis de taille en matière d’énergie.

Dans une courte série d’articles, notre expert Pieter Jan Jordaens présente quelques-unes des conclusions les plus intéressantes à prendre en compte dans le cadre d’opportunités de marchés à l’étranger et pouvant inspirer divers acteurs de nos propres régions. Après avoir livré une synthèse des principales conclusions, nous allons cette fois nous pencher sur le pays hôte de la conférence : Singapour.

Une transition nécessaire face à d’immenses défis

Malgré la complexité croissante et l’imprévisibilité des conditions politiques et économiques mondiales, il est impératif d’accélérer notre parcours vers la neutralité carbone. Les technologies d’énergies renouvelables sont des axes déterminants dans cette optique. La transition énergétique est une étape cruciale pour atteindre des émissions neutres en carbone d’ici la seconde moitié de ce siècle. Au centre de cette transition, il y a l’impératif d’éradiquer et de diminuer les émissions de CO2 provenant de sources d’énergie pour atténuer les impacts sur le changement climatique. L’exploitation d’énergies renouvelables et la mise en place de mesures d’efficacité énergétique nous offrent la possibilité d’atteindre jusqu’à 90% des réductions nécessaires d’émissions carbone.

Cependant, tous les pays ne bénéficient pas des mêmes avantages en termes de ressources renouvelables disponibles et de nombreux défis ralentissent l’adoption généralisée des énergies renouvelables, notamment le caractère intermittent de la production d’électricité et la disparité entre la disponibilité d’énergie et les grands centres urbains. Singapour, le pays hôte de la conférence, a déjà réalisé des efforts considérables tout en étant confronté à de nombreux défis de taille.

Le cas de Singapour

En tant que pays (ville-État), Singapour a été à la pointe de l’innovation en matière d’architecture verte et d’espaces verts, en définissant de nouvelles normes de durabilité et de conception environnementale. Le paysage urbain est orné de multiples bâtiments innovants qui intègrent des conceptions en communion avec la nature et sont adaptés au cadre par des caractéristiques et des technologies respectueuses de l’environnement. Ceci confère à la ville une image écologique, mais d’autre part, compte tenu de son mix énergétique et de sa stratégie de décarbonation, Singapour doit relever plusieurs défis majeurs. Singapour a également des besoins élevés de rafraîchissement en raison des conditions ambiantes marquées par des températures élevées et une forte humidité.  

Figure 1 : L’architecture verte de Singapour aujourd’hui (2023)

A l’heure actuelle, environ 40% des émissions de gaz à effet de serre de Singapour proviennent du secteur de l’énergie. Le mix énergétique de Singapour repose principalement sur le gaz naturel (94,3%), qui représente la majeure partie de sa consommation énergétique. Ces dernières années, Singapour a diversifié ses sources d’énergie pour y inclure l’énergie solaire, qui est de plus en plus intégrée dans son réseau électrique. Cependant, un petit pays comme Singapour, qui dispose de peu d’espace, doit relever plusieurs défis pour installer de grandes centrales solaires. De plus, Singapour importe une partie de son électricité depuis d’autres pays voisins comme la Malaisie (dont le mix énergétique est aussi basé largement sur des ressources fossiles) et explore diverses options d’énergies renouvelables pour réduire sa dépendance aux combustibles fossiles. 

Figure 2 : Le mix énergétique actuel de Singapour en 2023

Trouver des alternatives n’est pas une tâche aisée pour ce pays : 

  1. Singapour connaît des vitesses moyennes de vent assez faibles (2 m/s) et manque d’espaces terrestres et maritimes adéquats, ce qui signifie que la piste de l’éolien (sur terre ou en mer) n’est pas une option valable comparativement à la plupart des autres pays du monde.
  2. L’amplitude des marées (l’écart entre marées hautes et marées basses) n’est que de 1,7 m, ce qui signifie qu’il n’y a pas de possibilités d’exploiter l’énergie marémotrice.
  3. La sûreté nucléaire et l’élimination des déchets posent problème en raison de la taille du pays et du manque d’espace disponible.
  4. Singapour ne possède pas d’importantes sources de géothermie de surface.

Le solaire demeure l’option d’énergie renouvelable la plus viable pour Singapour. Concernant l’adoption de nouvelles technologies énergétiques, le pays adopte par exemple l’énergie solaire flottante pour résoudre le problème du peu d’espace disponible sur terre. Il a récemment installé l’un des plus grands parcs solaires flottants au monde (60 MWp) sur un réservoir côtier. L’objectif de Singapour est de déployer 2 GWp de production photovoltaïque d’ici 2030. Cependant, l’énergie solaire est intermittente par nature et soumise aux conditions météo et pour garantir la stabilité du réseau, il faudra aussi installer des unités de stockage supplémentaires.

En février 2023, Singapour a inauguré un système de stockage d’énergie (ESS) de 285 MWh sur l’île de Jurong, ce qui en fait le plus grand ESS en Asie du Sud-Est. 

Figure 3 : Le parc solaire flottant de Tengeh d’une capacité de 60 MW à Singapour

Dans l’optique de ramener la part du gaz naturel de 94,3% actuellement à un peu plus de 50%, il sera essentiel d’importer des énergies renouvelables. Environ 30% devraient provenir d’importations de pays voisins, tels que l’Indonésie, les Philippines, le Vietnam et le Cambodge. Des importations de molécules vertes, mais aussi des lignes à haute tension continue pour transporter l’électricité sont envisagées. Les 20% restants pourraient englober d’autres formes d’énergie solaire (en mer ou intégrée à des bâtiments), divers types de sources d’énergie basées sur l’hydrogène, les bio- et électro-carburants, et le nucléaire.

Figure 4 : Projection du mix énergétique de Singapour en 2035

L’innovation en mouvement : la plateforme R&D REIDS-SPORE d’Engie

Engie souhaite être un leader dans les transitions énergétiques. L’entreprise compte actuellement environ 96.400 employés dans le monde, répartis dans quatre Global Business Units : Renewables, Energy Solutions, Flex Gen & Retail et Networks. L’objectif d’Engie est de porter ses capacités renouvelables à 50 GW d’ici 2025 et 80 GW en 2030. 

L’innovation et la recherche sont essentielles pour honorer ces ambitions mais Engie n’est pas un développeur de technologies. Engie Research s’associe à des développeurs de technologies, de préférence à un stade précoce, afin de comprendre les nouvelles technologies prometteuses un peu mieux et plus tôt que d’autres, et d’éliminer les risques de ces technologies pour avoir des unités d’exploitation plus compétitives et décrocher des appels d’offres. L’un des investissements en ce sens est la plateforme R&D REIDS-SPORE d’Engie à Singapour, qui met en avant des technologies innovantes contribuant à une économie neutre en carbone. Représentant un investissement de 15 millions USD, le Renewable Energy Integration Demonstrator-Singapore (REIDS SPORE) est une initiative d’avant-garde destinée à présenter et démontrer différentes solutions d’énergies durables. Elle vise à intégrer diverses sources d’énergies renouvelables, notamment le solaire, l’éolien et les technologies de stockage, dans le réseau électrique de Singapour. 

Figure 5 : La plateforme R&D REIDS-SPORE d’Engie à Singapour

Au travers d’expérimentations innovantes et de collaborations, REIDS-SPORE a pour but de tester et de démontrer la viabilité et le déploiement de ces systèmes d’énergies renouvelables dans un contexte urbain. 

Avec l’appui de ses partenaires, Engie souhaite ouvrir la voie vers un avenir énergétique plus durable et résilient à Singapour et au-delà. Le micro-réseau REIDS-SPORE a une vocation de hub multi-facettes, il est non seulement conçu comme un laboratoire vivant et actif et un site d’essais R&D, mais il sert aussi de centre d’apprentissage pour l’industrie, les universités et les professionnels. De plus, il constitue aussi un pôle de connaissances spécialisées et une source de solutions déployables dès à présent.

Ce démonstrateur présente plusieurs éléments d’avant-garde. Il comprend la plus grande éolienne de Singapour (avec des « racines » belges, soit dit en passant), affichant une capacité de 100 kW, ainsi que des systèmes de stockage d’énergie sur batteries, notamment une batterie au plomb-acide de 200 kW/1 MWh et un système de stockage d’hydrogène de 50 kW/2 MWh. L’installation comprend aussi un réseau PV solaire de 200 kWp et une borne de recharge pour véhicules électriques. Ce micro-réseau intègre un système de gestion d’énergie (EMS) et un système de surveillance et d’acquisition de données. Le système à hydrogène du REIDS-SPORE constitue la première chaîne hydrogène complète en Asie du Sud-Est, qui englobe la production d’hydrogène vert par électrolyse, la production d’électricité par des piles à combustible, et la mobilité durable avec une station de ravitaillement en hydrogène alimentant un véhicule électrique à pile à combustible.

Figure 6 : La plateforme R&D REIDS-SPORE d’Engie à Singapour présente un parc solaire, une éolienne et une unité P2P à hydrogène

Engie Lab Singapore teste également quatre hydro-panneaux dans le cadre d’un partenariat de R&D avec Source Global sur le site REIDS-SPORE d’Engie. Les objectifs du projet pilote sont de convertir de l’air en eau potable sur ce site à l’écart et d’utiliser de l’eau pure pour générer de l’hydrogène. L’hydro-panneau prélève de l’air ambiant via des ventilateurs et recueille la vapeur d’eau contenue dans cet air sur un matériau hygroscopique (qui peut absorber l’humidité). En utilisant la chaleur du soleil, l’hydro-panneau convertit la vapeur d’eau recueillie en eau liquide purifiée. L’eau pure est minéralisée avec du magnésium et du calcium pour obtenir un profil gustatif idéal. Enfin, des capteurs dans chaque hydro-panneau surveillent et optimisent l’eau pour préserver la qualité. Les hydro-panneaux produisent en moyenne 3 à 5 litres d’eau potable propre par jour. 

Figure 7 : La plateforme R&D REIDS-SPORE d’Engie à Singapour présente un hydro-panneau de Source

Sirris aide les entreprises belges à traduire ces tendances et perspectives mondiales en feuilles de route concrètes et en études de faisabilité pour de nouveaux produits et processus. Si vous souhaitez en savoir plus sur l’aide que nous sommes en mesure de vous apporter, nous vous invitons à découvrir l’étendue de notre expertise et de notre offre en matière de technologies énergétiques renouvelables.

 

 

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