Stratégies envisageables de reprise des rebuts

Article
Thomas Vandenhaute

Mise en place graduelle d’un concept ReX réalisable

Si vous envisagez la mise sur pied d’activités telles que le remanufacturage et le reconditionnement, vous devez également disposer d’une rétrologistique garantissant la récupération d’une quantité suffisante de produits mis au rebut (cores). La qualité, le volume et la fréquence de cet afflux déterminent dans une large mesure la viabilité économique de votre concept ReX. Le coût d’achat de ces produits et leur gestion sont indissociablement liés. Cet article présente un aperçu des stratégies et facteurs les plus courants qui déterminent les coûts d’acquisition. 

Par « core », nous entendons ces produits ou composants en fin de vie utile dont la revalorisation se traduira par l’obtention de produits ou composants réhabilités.

Nous employons l’acronyme collectif « ReX » pour désigner le remanufacturage, le reconditionnement, la remise en état, etc. Cet acronyme collectif recouvre les stratégies circulaires visant à prolonger la durée de vie des produits. 

Stratégies sélectionnables ou combinables

Les stratégies retenues pour apporter une contribution suffisante au processus de remanufacturage diffèrent sensiblement selon que l’entreprise concernée est un OEM ou un prestataire de services indépendant. Voici quelques stratégies courantes qui méritent d’être explorées pour vos produits ou segments de clientèle :

Dépôt de cautionnement 

La création d’un dépôt de cautionnement lors de la vente initiale d’un nouveau produit permet d’inciter financièrement les clients à retourner leur produit lors de sa mise au rebut. Cette stratégie présente l’avantage d’instaurer une relation directe entre le fournisseur et le client, laquelle réduit les coûts parce qu’elle rend tout intermédiaire superflu. L’acceptation par le marché du recours à un tel dépôt de cautionnement dépend largement du produit et du type de client.  

Contrat de services

L’intégration du remanufacturage en tant que service dès la vente d’un produit est avantageuse aussi bien pour le client (maintenance et mise à niveau garanties) que pour le fournisseur (économies de coûts).

Commande directe

Dans ce cas précis, la balle est dans le camp du client qui souhaite un remanufacturage direct de son produit. En tant qu’entreprise remanufacturière, c’est à vous qu’il appartiendra de déterminer, au cas par cas, la valeur résiduelle ainsi que le coût de remanufacturage et par conséquent d’établir un devis. 

Stratégie reposant sur le crédit

Lors de la restitution de leurs produits, les clients bénéficieront d’un crédit qu’ils pourront mettre à profit pour faire l’acquisition d’un produit neuf ou remanufacturé. Dans la pratique, le client achète généralement un produit (neuf ou remanufacturé) au prix fort et il obtient une note de crédit dès la réception, par le fournisseur, du produit mis au rebut.    

Rachat 

Le fournisseur peut proposer au client de lui racheter le produit mis au rebut pour autant qu’il réponde à un certain nombre de critères. Les avantages sont analogues à ceux que présente le dépôt de cautionnement. La grande différence entre ces deux stratégies réside dans les critères de détermination de la valeur de reprise, lesquels sont susceptibles de fluctuer dans le temps. Une expertise et des informations fiables concernant l’usage effectif du produit considéré s’avèrent indispensables. 

Échange (« troc »)

Il s’agit essentiellement d’une stratégie conjuguant le crédit et le dépôt de cautionnement. Elle présente l’avantage de maintenir l’équilibre entre les produits entrants et sortants. Mais l’inconvénient de cette stratégie réside dans le fait qu’à l’instar de l’augmentation du nombre des appareils nécessitant des pièces remanufacturées, l’évolution des besoins de la clientèle aura également un impact sur l’offre de l’entreprise remanufacturière. Dans le cas présent, cette dernière devra mettre la main sur une quantité accrue de produits mis au rebut pour continuer à répondre à ces besoins. 

Accords contractuels avec des collecteurs

Certaines entreprises remanufacturières passe de tels accords avec des courtiers spécialisés (« core brokers ») ou des collecteurs de produits en fin de vie. Les accords annuels conclus portent sur le volume, le type de composants, etc. C’est une pratique courante dans l’industrie automobile.  

Contrats de location ou de crédit-bail

L’achat de produits à l’échéance de leur contrat de location ou de crédit-bail constitue un moyen relativement sûr d’acquérir des produits d’une qualité « uniforme » et doués d’une durée de vie résiduelle non négligeable. Les entreprises concernées sont susceptibles d’avoir loué ces produits ou d’en faire l’acquisition par l’intermédiaire d’un bailleur ou d’une société de crédit-bail.     

Centre de collecte centralisé 

Soucieuses de récupérer des volumes plus importants par produit/type, nombre d’entreprises optent pour la centralisation. Le regroupement sur un même site des produits mis au rebut permet à leur traitement, leur inspection, leur évaluation, etc. de gagner en efficacité. Cette stratégie présente l’inconvénient suivant : les frais de transport sont plus élevés et, par conséquent, certains produits ne sont pas collectés.

Prestations de services et prise en charge de mises au rebut 

Dans ce cas particulier, le client fait appel à un service de mise au rebut. Les frais d’entreposage, de démontage, de collecte, de transport et de traitement des produits mis au rebut et des déchets qui en résultent ne sont pas à la charge du client mais à celle du prestataire de services. Le prix de ces services dépend alors de la réglementation, de la nature et du type de déchets, ... Pour le client, c’est un soulagement ; pour le prestataire de services, c’est l’occasion de faire l’acquisition de produits en fin de vie, mais pour ce faire, ce dernier doit maîtriser le processus complet (respect des exigences réglementaires inclus).    

Comme à l’accoutumée, aucune stratégie ne parvient à s’imposer. En raison de la grande diversité des produits que présente la gamme des produits et services d’une entreprise remanufacturière et de la spécificité des segments de clientèle, il est parfois judicieux de tirer parti de plusieurs stratégies.  

Le prix de revient dépend aussi du type de produit

Les stratégies visant à s’approvisionner auprès du client ou de courtiers (négociants, collecteurs) se distinguent par quatre modèles dominants de détermination des coûts. 

  • L’entreprise considérée sera payée pour procéder à l’enlèvement des produits mis au rebut, en raison de la réglementation en vigueur en matière de traitement des déchets (substances toxiques, hydrocarbures, ...). Son chiffre d’affaires équivaudra donc au prix de traitement des déchets diminué de x %.
  • Si le produit en tant que tel est gratuit, son démontage et la logistique sont à la charge de l’entreprise. Les aspects logistiques (situation géographique, planification, combinaison de transports, etc.) en déterminent donc, dans une large mesure, le coût.
  • Ces opérations font l’objet d’une négociation de prix (ad hoc) par transaction (le cas échéant, par l’intermédiaire de courtiers). On observe de grandes variations de prix, allant du « prix des rebuts + x% » à un prix voisin de ce que les clients sont prêts à payer pour un produit remanufacturé (par exemple, en cas de valeur fonctionnelle élevée). Songez à ces produits susceptibles d’être revendus sans avoir subi ou aucune opération de transformation ou presque (autrement dit, ces produits dont la « durée de vie résiduelle » est importante). À titre d’exemple, les centres de location qui mettent l’accent sur l’acquisition de produits haut de gamme revendent généralement leurs produits alors qu’ils présentent une durée de vie résiduelle de quelque 30 %, tandis que les centres de location qui leur préfèrent des appareils bon marché doivent réaliser des recettes plus élevées à la revente. Par conséquent, ces centres vendent des produits plus jeunes (certes, de marques de moindre gamme).
  • Aucune négociation de prix n'est possible. Il s’agit généralement de produits standard dont le marché mature est dominé par les négociants ou les grands fournisseurs. Pensez aux produits électroniques proposés par les grandes entreprises de télécommunications ou aux pièces standardisées que l’on rencontre dans l’industrie automobile. La situation diffère en cas d’acquisition directe de produits auprès de l’utilisateur. (Voir étude de cas « Out of Use ») 

Dans quel segment le produit considéré se situe-t-il ? L’acquisition de produits en fin de vie est-elle aisée dans la fourchette de prix préalablement arrêtée ? Une validation s’impose à ce stade.

Méthode ? La méthode de validation réside dans l’exécution d’essais. Il faut se lancer, tenter d’acheter quelques produits mis au rebut et les ramener en atelier pour procéder à un premier essai.

Étude de cas : Out of Use

Orange renouvelle actuellement les boîtiers de décodage de ses clients, dont le nombre se situe entre 200.000 et 300.000 unités. Dans ce contexte, l’entreprise a opté pour Out of Use.

Dans un premier temps, une entreprise externe de travail adapté se charge du démontage de ces unités ainsi que de la dépose de leurs disques durs de 1 To. Ces disques durs ne sont réutilisables qu’après avoir procédé à l’effacement certifié de toutes les données qu’ils recèlent. Cette opération s’effectue au centre d'effacement des données qu’accueille Out of Use (près de 1.200 disques durs par jour). Après leur reconditionnement, ces disques testés et exempts de données sont prêts à l’emploi. Ils entament leur seconde vie dans un large éventail d’applications telles que les installations de karaoké.

Illustration : installation d’effacement certifié de données chez Out of Use.

Out of Use a convenu avec Orange d’une rémunération fixe par disque dur. Il s’agit là d'une situation gagnant-gagnant-gagnant, car Out of Use a opté pour une répartition des recettes (Revenue Share). Ainsi, Out of Use n’est pas la seule entreprise à tirer parti de la valeur des matériaux recyclés (fraction non réutilisable) et de la valeur résultant de la réaffectation des disques durs, son client Orange bénéficie également du partage de leur répartition. Orange réinvestit ensuite la plus-value obtenue dans le projet de reboisement mis sur pied par Out of Use (en coll. avec Natuurpunt et Natagora). Entre-temps, ce projet a permis la plantation de quelque 80.000 m² de nouvelles forêts en Belgique. En outre, Out Of Use ne se contente pas de créer une plus-value écologique et économique. L’établissement de rapports conformes à la CSRD constitue également un volet important du service global.

Assurer l’afflux de produits en fin de vie dépasse largement le cadre d’une simple négociation de prix. La stratégie de collecte s’inscrit dans une approche circulaire permettant à toutes les parties concernées d’atteindre leur objectif commun. Et dans le cas présent, ces objectifs ne sont pas exclusivement financiers. 

Opérations à votre portée

Déterminez les sources de produits entrants (en fin de vie) susceptibles d’être exploitées. 

  • Clients existants qui font aussi l’acquisition de nouveaux produits  
  • Collecteurs, sociétés de crédit-bail, propriétaires de (grandes) flottes, distributeurs, fournisseurs de services de maintenance et autres,... 

Quelles sont les parties avec lesquelles vous êtes déjà en contact ? Quelles sont celles avec lesquelles il est plus logique d’entrer en contact ? Quelles sont les questions que vous souhaitez leur poser ?

Prenez l’initiative et interrogez-les. 

La refabrication, la récupération, la revalorisation, le reconditionnement, la réutilisation, ... constituent autant de stratégies circulaires précieuses, mais comment acquérir la certitude d’explorer et de tester la stratégie la plus appropriée dans un contexte PME ? Dans le cadre du projet COOCK intitulé « CIRKEL - Remanufacturing als hefboom tot waardecreatie in een circulaire maakindustrie » (en français : La remanufacture en tant que levier de création de valeur pour une industrie manufacturière circulaire) et mené avec le soutien de la VLAIO, Sirris met à votre disposition une approche et des outils pratiques (technologies, outils, etc.) qui vous aideront à réduire les risques et à augmenter vos chances de réussite.

Vous souhaitez vous lancer dans cette aventure ? Pour plus d’informations et d’outils, rendez-vous sur notre page de démarrage du remanufacturing

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